Réponse « Les frais de détartrage sont pris en charge dans le cadre de votre formule Cat Indoor, à raison d'une fois par an et ce, aprÚs deux années consécutives de
PubliĂ© le 19/08/2015 Ă 11h00 , mis Ă jour le 27/01/2017 Ă 11h09 Validation mĂ©dicale 27 January 2017 Il est difficile, voire impossible, de demander Ă un chat de rester sans bouger. Or un certain nombre d'actes requiĂšrent une immobilitĂ© totale. C'est pourquoi l'anesthĂ©sie est souvent nĂ©cessaire pour que le vĂ©tĂ©rinaire puisse intervenir. Comme pour l'homme, il existe plusieurs types d'anesthĂ©sies pour le chat. Et pour tout acte, il y a des risques, mais qui restent limitĂ©s. Ils dĂ©pendent de plusieurs facteurs et sont pris en compte par le vĂ©tĂ©rinaire avant l'intervention. Quand recourir Ă une anesthĂ©sie ? Il est quasiment impossible de demander Ă un chat de se tenir tranquille pendant l'intervention du vĂ©tĂ©rinaire. Chez l'homme, plusieurs actes peuvent ĂȘtre rĂ©alisĂ©s sans anesthĂ©sie alors qu'elle va ĂȘtre indispensable chez le chat. Ainsi, il faut recourir Ă une anesthĂ©sie pour un dĂ©tartrage des dents, le soin d'une plaie, certaines Ă©chographies ou parfois pour la pose d'une le caractĂšre du chat et l'acte Ă rĂ©aliser, le vĂ©tĂ©rinaire peut avoir besoin d'une simple tranquillisation ou d'une anesthĂ©sie plus poussĂ©e. Pour toute intervention chirurgicale, elle devient obligatoire. C'est par exemple le cas pour une stĂ©rilisation, le dĂ©bridement d'un abcĂšs, l'extraction de petites tumeurs cutanĂ©es⊠Les diffĂ©rentes techniques Il existe diffĂ©rentes techniques pour anesthĂ©sier un chat. L'anesthĂ©sie locale L'anesthĂ©sie locale est utilisĂ©e pour pratiquer des soins sur une partie du corps. Il peut s'agir de la pose d'agrafes, du nettoyage d'une plaie⊠Elle peut ĂȘtre utilisĂ©e sur des chats patients et coopĂ©ratifs. L'anesthĂ©sie gĂ©nĂ©rale fixe L'anesthĂ©sie gĂ©nĂ©rale fixe consiste Ă injecter l'anesthĂ©sique par voie intramusculaire ou intraveineuse. Elle dure gĂ©nĂ©ralement de 30 Ă 45 minutes s'il n'y a pas de nouvelle injection. Il existe aussi des produits permettant un endormissement de trĂšs courte durĂ©e 15 minutes environ. Le chat se rĂ©veille tout seul Ă la fin de l'action du produit ou l'anesthĂ©sie peut ĂȘtre renouvelĂ©e. Dans ce cas, le rĂ©veil intervient aprĂšs l'injection d'un antagoniste de l'anesthĂ©sique, ce qui permet d'adapter la durĂ©e. L'anesthĂ©sie gĂ©nĂ©rale gazeuse L'anesthĂ©sie gĂ©nĂ©rale gazeuse se dĂ©roule en trois phases. Un anesthĂ©sique est injectĂ© par intraveineuse pour une courte ou trĂšs courte durĂ©e, puis une sonde est installĂ©e pour dĂ©gager totalement les voies respiratoires. Cette sonde est reliĂ©e Ă un respirateur d'anesthĂ©sie gazeuse. Le temps d'anesthĂ©sie est alors plus facile Ă gĂ©rer et les risques anesthĂ©siques sont moindres. Les consĂ©quences Toute anesthĂ©sie prĂ©sente des risques et a des consĂ©quences. Elle provoque une hypotension, qui pourra ĂȘtre compensĂ©e par la pose d'une perfusion. Les risques sont liĂ©s Ă l'Ăąge du chat, Ă son poids, Ă son Ă©tat de santĂ© gĂ©nĂ©ral. Le jeĂ»ne depuis la veille de l'intervention est recommandĂ©. Cela limite les vomissements au dĂ©but de l'anesthĂ©sie et donc les risques de fausse route. Puis-je nourrir mon chat rapidement aprĂšs une anesthĂ©sie gĂ©nĂ©rale ? Une fois votre chat rentrĂ© chez vous, il faut attendre au moins six heures pour lui prĂ©senter un repas lĂ©ger. En effet, il risquerait de vomir. Une moitiĂ© de ration suffira, mais il peut avoir accĂšs Ă de l'eau fraĂźche. Dr Elisabeth TanĂ©, vĂ©tĂ©rinaire. ï»żLaissezagir 15 minutes. Passez un coup dâĂ©ponge et actionnez la chasse dâeau. Vous pouvez Ă©galement utiliser le Gel Domestos 100% Puissant pour Ă©radiquer 99,9% des bactĂ©ries et des virus. Conseil + : tout bon nettoyage des WC comprend aussi l'abattant, le bouton de la chasse d'eau et mĂȘme la poignĂ©e de la porte ! Contents1 Combien de temps la Poke Ball Plus reste-t-elle connectĂ©e ?2 Comment empĂȘcher ma Poke Ball Plus de se dĂ©connecter ?3 Pouvez-vous utiliser la Poke Ball Plus plus dâune fois ?4 Est-ce que Poke Ball Plus sâĂ©teint ?5 Pouvez-vous rĂ©initialiser Mew PokĂ© Ball Plus ?6 La PokĂ© Ball Plus Auto attrape-t-elle ?7 Pourquoi mon Pocket Egg nâarrĂȘte pas de se dĂ©connecter ?8 Comment rĂ©initialiser mon go plus ?9 Ă quelle frĂ©quence Gotcha se dĂ©connecte-t-il ?10 Ne pouvez-vous obtenir quâun seul Mew de la PokĂ© Ball Plus ?11 Pouvez-vous Ă©changer Mew plus dâune fois ?12 Pouvez-vous rĂ©initialiser votre PokĂ© Ball Plus ? Combien de temps la PokeBall plus reste-t-elle connectĂ©e ? FAQ PokĂ©Ball Plus. Combien de temps dure la batterie ? Selon lâutilisateur malcomjudd sur The Silph Road Subreddit, la batterie dure cinq heures lorsquâelle est utilisĂ©e comme contrĂŽleur Switch et six heures lorsquâelle est connectĂ©e Ă Pokemon Go. Andro accĂ©dez aux paramĂštres. SĂ©lectionnez Applications. Trouvez PokĂ©mon GO dans la liste des applications.âŠPlusieurs raisons peuvent entraĂźner la dĂ©connexion de votre PokĂ© Ball Plus de votre smartphone Batterie faible. La distance entre votre PokĂ© Ball Plus et votre smartphone est trop grande. Signal faible/bloquĂ©. Pouvez-vous utiliser la Poke Ball Plus plus dâune fois ? PokĂ© Ball Plus se couple avec un seul smartphone. Il peut ĂȘtre dĂ©placĂ© vers un nouveau smartphone compatible, mais il ne peut pas fonctionner avec plusieurs smartphones en mĂȘme temps. Est-ce que Poke Ball Plus sâĂ©teint ? Couper le son de la PokĂ© Ball Plus Vous ne pouvez pas dĂ©sactiver les sons de la PokĂ© Ball Plus ou dĂ©sactiver ses vibrations lorsque vous jouez Ă Letâs Go !, mais vous pouvez le dĂ©sactiver lorsquâil est connectĂ© Ă PokĂ©mon Go. Pour ce faire, vous devez maintenir enfoncĂ©s le bouton du haut et le bouton du manche en mĂȘme temps. Il vibrera pour indiquer que lâaction a rĂ©ussi. Pouvez-vous rĂ©initialiser Mew PokĂ© Ball Plus ? Vous ne pouvez pas. Une fois que vous lâavez transfĂ©rĂ© de la Poke Ball Plus Ă votre jeu, câest tout. Si vous le transfĂ©rez puis revenez Ă une sauvegarde antĂ©rieure, votre Mew est parti. La PokĂ© Ball Plus Auto attrape-t-elle ? Si vous configurez votre PokĂ©ball Plus pour dĂ©tecter les PokĂ©mon et les PokĂ©Stops Ă proximitĂ©, vous devez attraper ou ne pas attraper tous les PokĂ©mon autour du PokĂ©Stop afin quâil puisse automatiquement tourner lâarrĂȘt pour vous. Pourquoi mon Pocket Egg nâarrĂȘte pas de se dĂ©connecter ? Il y a plusieurs raisons pour lesquelles votre PokĂ©mon Go Plus se dĂ©connecterait de votre tĂ©lĂ©phone. ⊠PokĂ©mon Go a besoin du GPS de votre tĂ©lĂ©phone pour fonctionner, et lorsquâil est connectĂ© Ă votre PokĂ©mon Go Plus, le tĂ©lĂ©phone est constamment connectĂ© aux services GPS. Si cette connexion Ă©choue, votre montre se dĂ©connectera jusquâĂ ce que vous la reconnectiez. Pour rĂ©initialiser un PokĂ©mon Go Plus, maintenez simplement le bouton enfoncĂ© pendant env. 5 secondes jusquâĂ ce que le voyant devienne bleu sol. RelĂąchez le bouton et maintenez-le immĂ©diatement enfoncĂ© pendant 5 secondes supplĂ©mentaires jusquâĂ ce quâil vibre. Lâappareil est maintenant rĂ©initialisĂ©. Ă quelle frĂ©quence Gotcha se dĂ©connecte-t-il ? oui, il se dĂ©connecte par heure selon le paramĂštre APP. Ne pouvez-vous obtenir quâun seul Mew de la PokĂ© Ball Plus ? Chaque PokĂ© Ball Plus ne contient quâun seul Mew. Cela signifie que si vous lâavez dĂ©jĂ transfĂ©rĂ© sur lâun ou lâautre PokĂ©mon Letâs Go Pikachu ! ou Letâs Go Eevee!, alors vous ne pourrez pas le transfĂ©rer vers Sword ou Shield. Pouvez-vous Ă©changer Mew plus dâune fois ? Assistance PokĂ©mon Mew ne peut ĂȘtre transfĂ©rĂ© quâUNE FOIS dans un seul PokĂ©mon Letâs Go, Pikachu ! ou PokĂ©mon Letâs Go, Ăvoli ! Jeu. Une fois transfĂ©rĂ© dans un jeu, il ne sera plus disponible sur la PokĂ© Ball Plus pour ĂȘtre transfĂ©rĂ© Ă nouveau dans un autre jeu. Pouvez-vous rĂ©initialiser votre PokĂ© Ball Plus ? Localisez le bouton de rĂ©initialisation sur la PokĂ© Ball Plus. Câest un tout petit bouton noir Ă la base du bracelet. Ă lâaide de la pointe dâun stylo, appuyez une fois sur le bouton de rĂ©initialisation. La PokĂ© Ball Plus vibrera briĂšvement. GĂ©nĂ©ralement il faut faire des dĂ©tartrages tous les six mois. On peut commencer les dĂ©tartrages Ă partir de 16 ans, deux fois par an. Ce sont des dĂ©tartrages simples qui PubliĂ© le 19/08/2015 Ă 11h00 , mis Ă jour le 27/01/2017 Ă 11h09 Validation mĂ©dicale 27 January 2017 L'accouplement du chat ne doit pas ĂȘtre laissĂ© au hasard. Il est important de ne faire saillir votre chatte que si vous ĂȘtes certain de le vouloir et de pouvoir assurer le bien-ĂȘtre et le placement des chatons. L'accouplement du chat a lieu pendant les chaleurs de la chatte. Celles-ci ont une durĂ©e variable, mais surviennent gĂ©nĂ©ralement du printemps Ă l'automne. A la suite de la saillie, la gestation dure de 63 Ă 68 jours. Pendant ce temps-lĂ , votre chatte va changer physiquement et dans son comportement. L'accouplement du chat et de la chatte Les chaleurs et la recherche de partenaire Les chaleurs de la chatte ont une durĂ©e variable, avec une moyenne de 10 Ă 15 jours. Elles reprennent aprĂšs un arrĂȘt de deux Ă trois semaines. Elles surviennent surtout du printemps Ă l'automne et la chatte peut donc avoir deux ou trois portĂ©es par an. On considĂšre qu'il faut attendre une bonne maturitĂ© sexuelle pour une premiĂšre portĂ©e, soit Ă partir des deuxiĂšmes ou troisiĂšmes chaleurs dix ou douze mois. Quand les chaleurs arrivent, la chatte est plus agitĂ©e, elle mange moins et le marquage urinaire est plus intense. Elle se fait plus affectueuse, se frotte davantage contre vous et contre les meubles, miaule et prend souvent la position de l'accouplement. Le mĂąle est, quant Ă lui, toujours prĂȘt Ă s'accoupler, mĂȘme s'il est plus excitĂ© au printemps. Il est attirĂ© par les miaulements rĂ©pĂ©titifs et forts de la chatte, ainsi que par les phĂ©romones prĂ©sentes dans ses urines. L'accouplement a lieu le plus souvent sur le territoire du chat. La saillie C'est la femelle qui choisit son partenaire. Quand elle accepte la saillie, elle prend une position particuliĂšre pattes avant baissĂ©es, ventre au sol, pattes arriĂšre tendues, queue relevĂ©e. Elle accepte le chevauchement. Le chat l'immobilise en prenant la peau de son cou dans sa gueule aprĂšs un flehmen intense et une sĂ©ance de reniflements. Il y a pĂ©nĂ©tration et Ă©jaculation sur une durĂ©e trĂšs courte. La saillie dure rarement plus de dix Ă quinze secondes. La chatte se dĂ©gage en poussant un cri perçant de fin de copulation. Pour qu'il y ait ovulation, la chatte doit ĂȘtre saillie plusieurs fois. Ces saillies sont sĂ©parĂ©es par des pĂ©riodes dites "rĂ©fractaires". Elles durent de cinq Ă quinze minutes chez le chat, et de cinq Ă soixante minutes pour la chatte. Durant ces moments-lĂ , la chatte n'acceptera plus d'ĂȘtre saillie. L'idĂ©al est de laisser les deux animaux ensemble durant les deux ou trois premiers jours des chaleurs. La gestation de la chatte La gestation de la chatte dure entre 63 et 68 jours. AprĂšs la saillie, il est recommandĂ© de sĂ©parer la chatte et le chat. La durĂ©e de la gestation va ĂȘtre influencĂ©e par le nombre de chatons. S'il n'y en a qu'un seul, la gestation sera prolongĂ©e et inversement. Avant 58 jours, les chatons ne seront pas viables, c'est pourquoi il convient d'ĂȘtre particuliĂšrement attentif durant les quinze derniers jours. Il est important de ne pas trop dĂ©ranger la mĂšre ; il faut la laisser se reposer, Ă©viter de lui faire peur. Durant la gestation, la chatte doit recevoir une alimentation adaptĂ©e, Ă la fois riche et Ă©quilibrĂ©e. Une visite vĂ©tĂ©rinaire confirmera son Ă©tat. DĂšs le 25e jour, un examen Ă©chographique permettra de compter les chatons. A partir de quatre Ă cinq semaines, une simple palpation de l'abdomen par le vĂ©tĂ©rinaire confirmera la prĂ©sence des fĆtus. La grossesse de la chatte Pendant la grossesse de la chatte, laissez-la vivre normalement. Evitez simplement de la porter en serrant son abdomen. Elle va prendre trĂšs rapidement du poids, mais c'est surtout pendant le dernier tiers de la gestation que son appĂ©tit va augmenter. Elle ne peut manger beaucoup Ă chaque repas, car les chatons compriment son estomac. Laissez donc toujours de la nourriture de qualitĂ© Ă sa disposition. A partir de quatre semaines, elle devra manger des croquettes destinĂ©es aux chatons, plus riches. Les mamelles peuvent apparaĂźtre vingt Ă trente jours aprĂšs l'accouplement. Elles sont plus gonflĂ©es et d'un rose sombre. Ă voir aussi Faut-il vermifuger la chatte durant la gestation ? Oui, il est important de traiter votre chatte contre les diffĂ©rents parasites. Un parasitisme important peut ĂȘtre dangereux pour la chatte et ses chatons. Il est nĂ©cessaire de vermifuger la chatte gestante quinze jours avant la mise bas avec un mĂ©dicament adaptĂ© Ă la situation. Il faudra Ă©galement la vermifuger Ă nouveau quinze jours aprĂšs la mise bas. Dr Elisabeth TanĂ©, vĂ©tĂ©rinaire. Sivotre chat a attrapĂ© le coryza pensez surtout Ă augmenter ses dĂ©fenses immunitaires avec des produits que je vous ai conseillĂ©s. Personnellement dans un premier temps je donne : â EPP (extrait de pĂ©pins de pamplemousse) : antibiotique naturel, antimicrobien, antibactĂ©rien, fongicide ou de lâacĂ©rola (voir explication + posologie SommaireQuel est le prix de dĂ©tartarge ?Classement des meilleures mutuelles pour dĂ©tartarge Notre avis dâexpert sur le remboursement de dĂ©tartarge Quel remboursement de dĂ©tartarge par la SĂ©curitĂ© sociale ?Quel remboursement de dĂ©tartarge par la mutuelle santĂ© ? Quel est le prix de dĂ©tartarge ? Le prix courant constatĂ© pour un dĂ©tartrage est de 40,00 âŹ. Voici un tableau reprenant les principaux tarifs visibles sur le marchĂ© de dĂ©tartarge Classement des meilleures mutuelles pour dĂ©tartarge Notre avis dâexpert sur le remboursement de dĂ©tartarge Un dĂ©tartrage se rĂ©alise chez le dentiste et vient Ă©liminer les dĂ©pĂŽts de plaque dentaire et de tartre. Il sâagit dâun acte Ă rĂ©aliser au moins une fois par an et remboursĂ© Ă 70 % par la SĂ©curitĂ© sociale sur une base de remboursement Ă 28,92 âŹ. Un remboursement assez satisfaisant mais la souscription dâune mutuelle nâest pas pour autant Ă Ă©carter face Ă la frĂ©quence rĂ©guliĂšre Ă laquelle il faut effectuer un dĂ©tartrage et aux Ă©ventuelles autres interventions dentaires moins bien remboursĂ©es. La SĂ©curitĂ© Sociale rembourse un dĂ©tartrage Ă 70 % de sa base de remboursement fixĂ©e Ă 28,92 âŹ. Vous ne serez donc remboursĂ© que de 20,24 ⏠pour cet acte. Pour diminuer vos dĂ©penses de santĂ©, il peut donc ĂȘtre intĂ©ressant pour vous de souscrire une mutuelle santĂ© qui viendra complĂ©ter la part non prise en charge par la SĂ©curitĂ© Sociale. Quel remboursement de dĂ©tartarge par la mutuelle santĂ© ? Pour complĂ©ter les remboursements de la SĂ©curitĂ© Sociale, nombreux sont ceux qui choisissent de souscrire une bonne mutuelle santĂ©. Celle-ci vous indemnisera tout ou partie selon le contrat souscrit du reste Ă charge. Les complĂ©mentaires santĂ© ont deux moyens dâexprimer le montant de votre remboursement en forfait, ou en pourcentage. Dans le cas du forfait, votre mutuelle santĂ© vous octroie une somme fixe Ă dĂ©penser tous les ans. Dans le cas du pourcentage, votre mutuelle vous rembourse selon un pourcentage de la base de remboursement de la SĂ©curitĂ© Sociale. Plus ce pourcentage est Ă©levĂ©, meilleur sera votre remboursement. Pour trouver une mutuelle adaptĂ©e Ă vos besoins et Ă vos dĂ©penses de santĂ©, nâhĂ©sitez pas Ă utliser notre comparateur en ligne et gratuit en haut de cette page pour obtenir rapidement un devis. En cas de besoin, nos experts seront disponibles par tĂ©lĂ©phone pour vous accompagner et vous conseiller. Enhaut: piĂšce-Ă -main et insert ultrasons pour dĂ©tartrage. Le dĂ©tartrage-surfaçage des dents peut ĂȘtre associĂ© avec le curetage des gencives que nous aborderons prochainement, et dans ce cas lĂ se fait gĂ©nĂ©ralement par secteur de 5 dents sous anesthĂ©sie locale. Voir ICI!. Il est recommandĂ© durant les 5 ou 6 heures qui suivent un dĂ©tartrage de ne pas fumer, ne pas Balzac Splendeurs et misĂšres des courtisanes PremiĂšre partie. Comment aiment les filles Une vue du bal de l'OpĂ©ra En 1824, au dernier bal de l'OpĂ©ra, plusieurs masques furent frappĂ©s de la beautĂ© d'un jeune homme qui se promenait dans les corridors et dans le foyer, avec l'allure des gens en quĂÂȘte d'une femme retenue au logis par des circonstances imprĂ©vues. Le secret de cette dĂ©marche, tour Ă tour indolente et pressĂ©e, n'est connu que des vieilles femmes et de quelques flĂÂąneurs Ă©mĂ©rites. Dans cet immense rendez-vous, la foule observe peu la foule, les intĂ©rĂÂȘts sont passionnĂ©s, le DĂ©soeuvrement lui-mĂÂȘme est prĂ©occupĂ©. Le jeune dandy Ă©tait si bien absorbĂ© par son inquiĂšte recherche qu'il ne s'apercevait pas de son succĂšs les exclamations railleusement admiratives de masques, les Ă©tonnements sĂ©rieux, les mordants lazzis, les plus douces paroles, il ne les entendait pas, il ne les voyait point. Quoique sa beautĂ© le classĂÂąt parmi ces personnages exceptionnels qui viennent au bal de l'OpĂ©ra pour y avoir une aventure, et qui l'attendent comme on attendait un coup heureux Ă la Roulette quand Frascati vivait, il paraissait bourgeoisement sĂ»r de sa soirĂ©e; il devait ĂÂȘtre le hĂ©ros d'un de ces mystĂšres Ă trois personnages qui composent tout le bal masquĂ© de l'OpĂ©ra, et connus seulement de ceux qui y jouent leur rĂÂŽle; car, pour les jeunes femmes qui viennent afin de pouvoir dire J'ai vu; pour les gens de province, pour les jeunes gens inexpĂ©rimentĂ©s, pour les Ă©trangers, l'OpĂ©ra doit ĂÂȘtre alors le palais de la fatigue et de l'ennui. Pour eux, cette foule noire, lente et pressĂ©e, qui va, vient, serpente, tourne, retourne, monte, descend, et qui ne peut ĂÂȘtre comparĂ©e qu'Ă des fourmis sur leur tas de bois, n'est pas plus comprĂ©hensible que la Bourse pour un paysan bas-breton qui ignore l'existence du Grand-Livre. A de rares exceptions prĂšs, Ă Paris, les hommes ne se masquent point un homme en domino paraĂt ridicule. En ceci le gĂ©nie de la nation Ă©clate. Les gens qui veulent cacher leur bonheur peuvent aller au bal de l'OpĂ©ra sans y venir, et les masques absolument forcĂ©s d'y entrer en sortent aussitĂÂŽt. Un spectacle des plus amusants est l'encombrement que produit Ă la porte, dĂšs l'ouverture du bal, le flot des gens qui s'Ă©chappent aux prises avec ceux qui y montent. Donc, les hommes masquĂ©s sont des maris jaloux qui viennent espionner leurs femmes, ou des maris en bonne fortune qui ne veulent pas ĂÂȘtre espionnĂ©s par elles, deux situations Ă©galement moquables. Or, le jeune homme Ă©tait suivi, sans qu'il le sĂ»t, par un masque assassin, gros et court, roulant sur lui-mĂÂȘme comme un tonneau. Pour tout habituĂ© de l'OpĂ©ra, ce domino trahissait un administrateur, un agent de change, un banquier, un notaire, un bourgeois quelconque en soupçon de son infidĂšle. En effet, dans la trĂšs haute sociĂ©tĂ©, personne ne court aprĂšs d'humiliants tĂ©moignages. DĂ©jĂ plusieurs masques s'Ă©taient montrĂ© en riant ce monstrueux personnage, d'autres l'avaient apostrophĂ©, quelques jeunes s'Ă©taient moquĂ©s de lui, sa carrure et son maintien annonçaient un dĂ©dain marquĂ© pour ces traits sans portĂ©e; il allait oĂÂč le menait le jeune homme, comme va un sanglier poursuivi qui ne se soucie ni des balles qui sifflent Ă ses oreilles, ni des chiens qui aboient aprĂšs lui. Quoique au premier abord le plaisir et l'inquiĂ©tude aient pris la mĂÂȘme livrĂ©e, l'illustre robe noire vĂ©nitienne, et que tout soit confus au bal de l'OpĂ©ra, les diffĂ©rents cercles dont se compose la sociĂ©tĂ© parisienne se retrouvent, se reconnaissent et s'observent. Il y a des notions si prĂ©cises pour quelques initiĂ©s, que ce grimoire d'intĂ©rĂÂȘts est lisible comme un roman qui serait amusant. Pour les habituĂ©s, cet homme ne pouvait donc pas ĂÂȘtre en bonne fortune, il eĂ»t infailliblement portĂ© quelque marque convenue, rouge, blanche ou verte, qui signale les bonheurs apprĂÂȘtĂ©s de longue main. S'agissait-il d'une vengeance? En voyant le masque suivant de si prĂšs un homme en bonne fortune, quelques dĂ©soeuvrĂ©s revenaient au beau visage sur lequel le plaisir avait mis sa divine aurĂ©ole. Le jeune homme intĂ©ressait plus il allait, plus il rĂ©veillait de curiositĂ©s. Tout en lui signalait d'ailleurs les habitudes d'une vie Ă©lĂ©gante. Suivant une loi fatale de notre Ă©poque, il existe peu de diffĂ©rence, soit physique, soit morale, entre le plus distinguĂ©, le mieux Ă©levĂ© des fils d'un duc et pair, et ce charmant garçon que naguĂšre la misĂšre Ă©treignait de ses mains de fer au milieu de Paris. La beautĂ©, la jeunesse pouvaient masquer chez lui de profonds abĂmes, comme chez beaucoup de jeunes gens qui veulent jouer un rĂÂŽle Ă Paris sans possĂ©der le capital nĂ©cessaire Ă leurs prĂ©tentions, et qui chaque jour risquent le tout pour le tout en sacrifiant au dieu le plus courtisĂ© dans cette citĂ© royale, le Hasard. NĂ©anmoins, sa mise, ses maniĂšres Ă©taient irrĂ©prochables, il foulait le parquet classique du foyer en habituĂ© de l'OpĂ©ra. Qui n'a pas remarquĂ© que lĂ , comme dans toutes les zones de Paris, il est une façon d'ĂÂȘtre qui rĂ©vĂšle ce que vous ĂÂȘtes, ce que vous faites, d'oĂÂč vous venez, et ce que vous voulez? - Le beau jeune homme! ici l'on peut se retourner pour le voir, dit un masque en qui les habituĂ©s du bal reconnaissaient une femme comme il faut. - Vous ne vous le rappelez pas? lui rĂ©pondit l'homme qui lui donnait le bras, madame du ChĂÂątelet vous l'a cependant prĂ©sentĂ©... - Quoi! c'est ce fils d'apothicaire de qui elle s'Ă©tait amourachĂ©e, qui s'est fait journaliste, l'amant de mademoiselle Coralie? - Je le croyais tombĂ© trop bas pour jamais pouvoir se remonter, et je ne comprends pas comment il peut reparaĂtre dans le monde de Paris, dit le comte Sixte du ChĂÂątelet. - Il a un air de prince, dit le masque, et ce n'est pas cette actrice avec laquelle il vivait qui le lui aura donnĂ©; ma cousine, qui l'avait devinĂ©, n'a pas su le dĂ©barbouiller; je voudrais bien connaĂtre la maĂtresse de ce Sargines, dites-moi quelque chose de sa vie qui puisse me permettre de l'intriguer. Ce couple qui suivait ce jeune homme en chuchotant fut alors particuliĂšrement observĂ© par le masque aux Ă©paules carrĂ©es. - Cher monsieur Chardon, dit le prĂ©fet de la Charente en prenant le dandy par le bras, laissez-moi vous prĂ©senter une personne qui veut renouer connaissance avec vous... - Cher comte ChĂÂątelet, rĂ©pondit le jeune homme, cette personne m'a appris combien Ă©tait ridicule le nom que vous me donnez. Une Ordonnance du Roi m'a rendu celui de mes ancĂÂȘtres maternels, les RubemprĂ©. Quoique les journaux aient annoncĂ© ce fait, il concerne un si pauvre personnage que je ne rougis point de le rappeler Ă mes amis, Ă mes ennemis et aux indiffĂ©rents vous vous classerez oĂÂč vous voudrez, mais je suis certain que vous ne dĂ©sapprouverez point une mesure qui me fut conseillĂ©e par votre femme quand elle n'Ă©tait encore que madame de Bargeton. Cette jolie Ă©pigramme, qui fit sourire la marquise, fit Ă©prouver un tressaillement nerveux au prĂ©fet de la Charente. - Vous lui direz, ajouta Lucien, que maintenant je porte de gueules, au taureau furieux d'argent, dans le prĂ© de sinople. - Furieux d'argent, rĂ©pĂ©ta ChĂÂątelet. - Madame la marquise vous expliquera, si vous ne le savez pas, pourquoi ce vieil Ă©cusson est quelque chose de mieux que la clef de chambellan et les abeilles d'or de l'Empire qui se trouvent dans le vĂÂŽtre, au grand dĂ©sespoir de madame ChĂÂątelet, nĂ©e NĂšgrepelisse d'Espard..., dit vivement Lucien. - Puisque vous m'avez reconnue, je ne puis plus vous intriguer, et ne saurais vous exprimer Ă quel point vous m'intriguez, lui dit Ă voix basse la marquise d'Espard tout Ă©tonnĂ©e de l'impertinence et de l'aplomb acquis par l'homme qu'elle avait jadis mĂ©prisĂ©. - Permettez-moi donc, madame, de conserver la seule chance que j'aie d'occuper votre pensĂ©e en restant dans cette pĂ©nombre mystĂ©rieuse, dit-il avec le sourire d'un homme qui ne veut pas compromettre un bonheur sĂ»r. La marquise ne put rĂ©primer un petit mouvement sec en se sentant, suivant une expression anglaise, coupĂ©e par la prĂ©cision de Lucien. - Je vous fais mon compliment sur votre changement de position, dit le comte du ChĂÂątelet Ă Lucien. - Et je le reçois comme vous me l'adressez, rĂ©pliqua Lucien en saluant la marquise avec une grĂÂące infinie. - Le fat! dit Ă voix basse le comte Ă madame d'Espard, il a fini par conquĂ©rir ses ancĂÂȘtres. - Chez les jeunes gens, la fatuitĂ©, quand elle tombe sur nous, annonce presque toujours un bonheur trĂšs haut situĂ©; car, entre vous autres, elle annonce la mauvaise fortune. Aussi voudrais-je connaĂtre celle de nos amies qui a pris ce bel oiseau sous sa protection; peut-ĂÂȘtre aurais-je alors la possibilitĂ© de m'amuser ce soir. Mon billet anonyme est sans doute une mĂ©chancetĂ© prĂ©parĂ©e par quelque rivale, car il y est question de ce jeune homme; son impertinence lui aura Ă©tĂ© dictĂ©e espionnez-le. Je vais prendre le bras du duc de Navarreins, vous saurez bien me retrouver. Au moment oĂÂč madame d'Espard allait aborder son parent, le masque mystĂ©rieux se plaça entre elle et le duc pour lui dire Ă l'oreille "Lucien vous aime, il est l'auteur du billet; votre prĂ©fet est son plus grand ennemi, pouvait-il s'expliquer devant lui?" L'inconnu s'Ă©loigna, laissant madame d'Espard en proie Ă une double surprise. La marquise ne savait personne au monde capable de jouer le rĂÂŽle de ce masque, elle craignait un piĂšge, alla s'asseoir et se cacha. Le comte Sixte du ChĂÂątelet, Ă qui Lucien avait retranchĂ© son du ambitieux avec une affectation qui sentait une vengeance longtemps rĂÂȘvĂ©e, suivit Ă distance ce merveilleux dandy, et rencontra bientĂÂŽt un jeune homme auquel il crut pouvoir parler Ă coeur ouvert. - Eh! bien, Rastignac, avez-vous vu Lucien? Il a fait peau neuve. - Si j'Ă©tais aussi joli garçon que lui, je serais encore plus riche que lui, rĂ©pondit le jeune Ă©lĂ©gant d'un ton lĂ©ger mais fin qui exprimait une raillerie attique. - Non, lui dit Ă l'oreille le gros masque en lui rendant mille railleries pour une par la maniĂšre dont il accentua le monosyllabe. Rastignac, qui n'Ă©tait pas homme Ă dĂ©vorer une insulte, resta comme frappĂ© de la foudre, et se laissa mener dans l'embrasure d'une fenĂÂȘtre par une main de fer, qu'il lui fut impossible de secouer. - Jeune coq sorti du poulailler de maman Vauquer, vous Ă qui le coeur a failli pour saisir les millions du papa Taillefer quand le plus fort de l'ouvrage Ă©tait fait, sachez, pour votre sĂ»retĂ© personnelle, que si vous ne vous comportez pas avec Lucien comme avec un frĂšre que vous aimeriez, vous ĂÂȘtes dans nos mains sans que nous soyons dans les vĂÂŽtres. Silence et dĂ©vouement, ou j'entre dans votre jeu pour y renverser vos quilles. Lucien de RubemprĂ© est protĂ©gĂ© par le plus grand pouvoir d'aujourd'hui, l'Eglise. Choisissez entre la vie ou la mort. Votre rĂ©ponse? Rastignac eut le vertige comme un homme endormi dans une forĂÂȘt, et qui se rĂ©veille Ă cĂÂŽtĂ© d'une lionne affamĂ©e. Il eut peur, mais sans tĂ©moins les hommes les plus courageux s'abandonnent alors Ă la peur. - Il n'y a que lui pour savoir... et pour oser..., se dit-il Ă lui-mĂÂȘme. Le masque lui serra la main pour l'empĂÂȘcher de finir sa phrase "Agissez comme si c'Ă©tait lui", dit-il. Autres masques Rastignac se conduisit alors comme un millionnaire sur la grande route, en se voyant mis en joue par un brigand il capitula. - Mon cher comte, dit-il Ă ChĂÂątelet vers lequel il revint, si vous tenez Ă votre position, traitez Lucien de RubemprĂ© comme un homme que vous trouverez un jour placĂ© beaucoup plus haut que vous ne l'ĂÂȘtes. Le masque laissa Ă©chapper un imperceptible geste de satisfaction, et se remit sur la trace de Lucien. - Mon cher, vous avez bien rapidement changĂ© d'opinion sur son compte, rĂ©pondit le prĂ©fet justement Ă©tonnĂ©. - Aussi rapidement que ceux qui sont au Centre et qui votent avec la Droite, rĂ©pondit Rastignac Ă ce prĂ©fet-dĂ©putĂ© dont la voix manquait depuis peu de jours au MinistĂšre. - Est-ce qu'il y a des opinions, aujourd'hui, il n'y a plus que des intĂ©rĂÂȘts, rĂ©pliqua des Lupeaulx qui les Ă©coutait. De quoi s'agit-il? - Du sieur de RubemprĂ©, que Rastignac veut me donner pour un personnage, dit le dĂ©putĂ© au SecrĂ©taire-GĂ©nĂ©ral. - Mon cher comte, lui rĂ©pondit des Lupeaulx d'un air grave, monsieur de RubemprĂ© est un jeune homme du plus grand mĂ©rite, et si bien appuyĂ© que je me croirais trĂšs heureux de pouvoir renouer connaissance avec lui. - Le voilĂ qui va tomber dans le guĂÂȘpier des rouĂ©s de l'Ă©poque, dit Rastignac. Les trois interlocuteurs se tournĂšrent vers un coin oĂÂč se tenaient quelques beaux esprits, des hommes plus ou moins cĂ©lĂšbres, et plusieurs Ă©lĂ©gants. Ces messieurs mettaient en commun leurs observations, leurs bons mots et leurs mĂ©disances, en essayant de s'amuser ou en attendant quelque amusement. Dans cette troupe si bizarrement composĂ©e se trouvaient des gens avec qui Lucien avait eu des relations mĂÂȘlĂ©es de procĂ©dĂ©s ostensiblement bons et de mauvais services cachĂ©s. - Eh! bien, Lucien, mon enfant, mon cher amour, nous voilĂ rempaillĂ©, rafistolĂ©. D'oĂÂč venons-nous? Nous avons donc remontĂ© sur notre bĂÂȘte Ă l'aide des cadeaux expĂ©diĂ©s du boudoir de Florine. Bravo, mon gars! lui dit Blondet en quittant le bras de Finot pour prendre familiĂšrement Lucien par la taille et le serrer contre son coeur. Andoche Finot Ă©tait le propriĂ©taire d'une Revue oĂÂč Lucien avait travaillĂ© presque gratis, et que Blondet enrichissait par sa collaboration, par la sagesse de ses conseils et la profondeur de ses vues. Finot et Blondet personnifiaient Bertrand et Raton, Ă cette diffĂ©rence prĂšs que le chat de La Fontaine finit par s'apercevoir de sa duperie, et que, tout en se sachant dupĂ©, Blondet servait toujours Finot. Ce brillant condottiĂšre de plume devait, en effet, ĂÂȘtre pendant longtemps esclave. Finot cachait une volontĂ© brutale sous des dehors lourds, sous les pavots d'une bĂÂȘtise impertinente, frottĂ©e d'esprit comme le pain d'un manoeuvre est frottĂ© d'ail. Il savait engranger ce qu'il glanait, les idĂ©es et les Ă©cus, Ă travers les champs de la vie dissipĂ©e que mĂšnent les gens de lettres et les gens d'affaires politiques. Blondet, pour son malheur, avait mis sa force Ă la solde de ses vices et de sa paresse. Toujours surpris par le besoin, il appartenait au pauvre clan des gens Ă©minents qui peuvent tout pour la fortune d'autrui sans rien pouvoir pour la leur, des Aladins qui se laissent emprunter leur lampe. Ces admirables conseillers ont l'esprit perspicace et juste quand il n'est pas tiraillĂ© par l'intĂ©rĂÂȘt personnel. Chez eux, c'est la tĂÂȘte et non le bras qui agit. De lĂ le dĂ©cousu de leurs moeurs, et de lĂ le blĂÂąme dont les accablent les esprits infĂ©rieurs. Blondet partageait sa bourse avec le camarade qu'il avait blessĂ© la veille; il dĂnait, trinquait, couchait avec celui qu'il Ă©gorgerait le lendemain. Ses amusants paradoxes justifiaient tout. En acceptant le monde entier comme une plaisanterie, il ne voulait pas ĂÂȘtre pris au sĂ©rieux. Jeune, aimĂ©, presque cĂ©lĂšbre, heureux, il ne s'occupait pas, comme Finot, d'acquĂ©rir la fortune nĂ©cessaire Ă l'homme ĂÂągĂ©. Le courage le plus difficile est peut-ĂÂȘtre celui dont avait besoin Lucien en ce moment pour couper Blondet comme il venait de couper madame d'Espard et ChĂÂątelet. Malheureusement, chez lui, les jouissances de la vanitĂ© gĂÂȘnaient l'exercice de l'orgueil, qui certes est le principe de beaucoup de grandes choses. Sa vanitĂ© avait triomphĂ© dans sa prĂ©cĂ©dente rencontre il s'Ă©tait montrĂ© riche, heureux et dĂ©daigneux avec deux personnes qui jadis l'avaient dĂ©daignĂ© pauvre et misĂ©rable; mais un poĂšte pouvait-il, comme un diplomate vieilli, rompre en visiĂšre Ă deux soi-disant amis qui l'avaient accueilli dans sa misĂšre, chez lesquels il avait couchĂ© durant les jours de dĂ©tresse? Finot, Blondet et lui s'Ă©taient avilis de compagnie, ils avaient roulĂ© dans des orgies qui ne dĂ©voraient pas que l'argent de leurs crĂ©anciers. Comme ces soldats qui ne savent pas placer leur courage, Lucien fit alors ce que font bien des gens de Paris, il compromit de nouveau son caractĂšre en acceptant une poignĂ©e de main de Finot, en ne se refusant pas Ă la caresse de Blondet. Quiconque a trempĂ© dans le journalisme, ou y trempe encore, est dans la nĂ©cessitĂ© cruelle de saluer les hommes qu'il mĂ©prise, de sourire Ă son meilleur ennemi, de pactiser avec les plus fĂ©tides bassesses, de se salir les doigts en voulant payer ses agresseurs avec leur monnaie. On s'habitue Ă voir faire le mal, Ă le laisser passer; on commence par l'approuver, on finit par le commettre. A la longue, l'ĂÂąme, sans cesse maculĂ©e par de honteuses et continuelles transactions, s'amoindrit, le ressort des pensĂ©es nobles se rouille, les gonds de la banalitĂ© s'usent et tournent d'eux-mĂÂȘmes. Les Alcestes deviennent des Philintes, les caractĂšres se dĂ©trempent, les talents s'abĂÂątardissent, la foi dans les belles oeuvres s'envole. Tel qui voulait s'enorgueillir de ses pages se dĂ©pense en de tristes articles que sa conscience lui signale tĂÂŽt ou tard comme autant de mauvaises actions. On Ă©tait venu, comme Lousteau, comme Vernou, pour ĂÂȘtre un grand Ă©crivain, on se trouve un impuissant folliculaire. Aussi ne saurait-on trop honorer les gens chez qui le caractĂšre est Ă la hauteur du talent, les d'Arthez qui savent marcher d'un pied sĂ»r Ă travers les Ă©cueils de la vie littĂ©raire. Lucien ne sut rien rĂ©pondre au patelinage de Blondet, dont l'esprit exerçait d'ailleurs sur lui d'irrĂ©sistibles sĂ©ductions, qui conservait l'ascendant du corrupteur sur l'Ă©lĂšve, et qui d'ailleurs Ă©tait bien posĂ© dans le monde par sa liaison avec la comtesse de Montcornet. - Avez-vous hĂ©ritĂ© d'un oncle? lui dit Finot d'un air railleur. - J'ai mis, comme vous, les sots en coupes rĂ©glĂ©es, lui rĂ©pondit Lucien sur le mĂÂȘme ton. - Monsieur aurait une Revue, un journal quelconque? reprit Andoche Finot avec la suffisance impertinente que dĂ©ploie l'exploitant envers son exploitĂ©. - J'ai mieux, rĂ©pliqua Lucien dont la vanitĂ© blessĂ©e par la supĂ©rioritĂ© qu'affectait le rĂ©dacteur en chef lui rendit l'esprit de sa nouvelle position. - Et, qu'avez-vous, mon cher?... - J'ai un Parti. - Il y a le parti Lucien? dit en souriant Vernou. - Finot, te voilĂ distancĂ© par ce garçon-lĂ , je te l'ai prĂ©dit. Lucien a du talent, tu ne l'as pas mĂ©nagĂ©, tu l'as rouĂ©. Repens-toi, gros butor, reprit Blondet. Fin comme le musc, Blondet vit plus d'un secret dans l'accent, dans le geste, dans l'air de Lucien; tout en l'adoucissant, il sut donc resserrer par ces paroles la gourmette de la bride. Il voulait connaĂtre les raisons du retour de Lucien Ă Paris, ses projets, ses moyens d'existence. - A genoux devant une supĂ©rioritĂ© que tu n'auras jamais, quoique tu sois Finot! reprit-il. Admets monsieur, et sur-le-champ, au nombre des hommes forts Ă qui l'avenir appartient, il est des nĂÂŽtres! Spirituel et beau, ne doit-il pas arriver par tes quibuscumque viis? Le voilĂ dans sa bonne armure de Milan, avec sa puissante dague Ă moitiĂ© tirĂ©e, et son pennon arborĂ©! Tudieu! Lucien, oĂÂč donc as-tu volĂ© ce joli gilet? Il n'y a que l'amour pour savoir trouver de pareilles Ă©toffes. Avons-nous un domicile? Dans ce moment j'ai besoin de savoir les adresses de mes amis, je ne sais oĂÂč coucher. Finot m'a mis Ă la porte pour ce soir, sous le vulgaire prĂ©texte d'une bonne fortune. - Mon cher, rĂ©pondit Lucien, j'ai mis en pratique un axiome avec lequel on est sĂ»r de vivre tranquille Fuge, late, tace. Je vous laisse. - Mais je ne te laisse pas que tu ne t'acquittes envers moi d'une dette sacrĂ©e, ce petit souper, hein? dit Blondet qui donnait un peu trop dans la bonne chĂšre et qui se faisait traiter quand il se trouvait sans argent. - Quel souper? reprit Lucien en laissant Ă©chapper un geste d'impatience. - Tu ne t'en souviens pas? VoilĂ oĂÂč je reconnais la prospĂ©ritĂ© d'un ami il n'a plus de mĂ©moire. - Il sait ce qu'il nous doit, je suis garant de son coeur, reprit Finot en saisissant la plaisanterie de Blondet. - Rastignac, dit Blondet en prenant le jeune Ă©lĂ©gant par le bras au moment oĂÂč il arrivait en haut du foyer, et auprĂšs de la colonne oĂÂč se tenaient les soi-disant amis, il s'agit d'un souper vous serez des nĂÂŽtres... A moins que monsieur, reprit-il sĂ©rieusement en montrant Lucien, ne persiste Ă nier une dette d'honneur; il le peut. - Monsieur de RubemprĂ©, je le garantis, en est incapable, dit Rastignac qui pensait Ă tout autre chose qu'Ă une mystification. - VoilĂ Bixiou, s'Ă©cria Biondet, il en sera rien de complet sans lui. Sans lui, le vin de Champagne m'empĂÂąte la langue, et je trouve tout fade, mĂÂȘme le piment des Ă©pigrammes. - Mes amis, dit Bixiou, je vois que vous ĂÂȘtes rĂ©unis autour de la merveille du jour. Notre cher Lucien recommence les MĂ©tamorphoses d'Ovide. De mĂÂȘme que les dieux se changeaient en de singuliers lĂ©gumes et autres, pour sĂ©duire des femmes, il a changĂ© le Chardon en gentilhomme pour sĂ©duire, quoi? Charles X! Mon petit Lucien, dit-il en le prenant par un bouton de son habit, un journaliste qui passe grand seigneur mĂ©rite un joli charivari. A leur place, dit l'impitoyable railleur en montrant Finot et Vernou, je t'entamerais dans leur petit journal; tu leur rapporterais une centaine de francs, dix colonnes de bons mots. - Bixiou, dit Blondet, un Amphitryon nous est sacrĂ© vingt-quatre heures auparavant et douze heures aprĂšs la fĂÂȘte notre illustre ami nous donne Ă souper. - Comment! comment! reprit Bixiou; mais quoi de plus nĂ©cessaire que de sauver un grand nom de l'oubli, que de doter l'indigente aristocratie d'un homme de talent? Lucien, tu as l'estime de la Presse, de laquelle tu Ă©tais le plus bel ornement, et nous te soutiendrons. Finot, un entrefilet aux premiers-Paris! Blondet, une tartine insidieuse Ă la quatriĂšme page de ton journal! Annonçons l'apparition du plus beau livre de l'Ă©poque, l'Archer de Charles IX! Supplions Dauriat de nous donner bientĂÂŽt les Marguerites, ces divins sonnets du PĂ©trarque français! Portons notre ami sur le pavois de papier timbrĂ© qui fait et dĂ©fait les rĂ©putations! - Si tu veux Ă souper, dit Lucien Ă Blondet pour se dĂ©faire de cette troupe qui menaçait de se grossir, il me semble que tu n'avais pas besoin d'employer l'hyperbole et la parabole avec un ancien ami, comme si c'Ă©tait un niais. A demain soir, chez Lointier, dit-il vivement en voyant venir une femme vers laquelle il s'Ă©lança. - Oh! oh! oh! dit Bixiou sur trois tons et d'un air railleur en paraissant reconnaĂtre le masque au-devant duquel allait Lucien, ceci mĂ©rite confirmation. La Torpille Et il suivit le joli couple, le devança, l'examina d'un oeil perspicace, et revint Ă la grande satisfaction de tous ces envieux intĂ©ressĂ©s Ă savoir d'oĂÂč provenait le changement de fortune de Lucien. - Mes amis, vous connaissez de longue main la bonne fortune du sire de RubemprĂ©, leur dit Bixiou, c'est l'ancien rat de des Lupeaulx. L'une des perversitĂ©s maintenant oubliĂ©es, mais en usage au commencement de ce siĂšcle, Ă©tait le luxe des rats. Un rat, mot dĂ©jĂ vieilli, s'appliquait Ă un enfant de dix Ă onze ans, comparse Ă quelque thĂ©ĂÂątre, surtout Ă l'OpĂ©ra, que les dĂ©bauchĂ©s formaient pour le vice et l'infamie. Un rat Ă©tait une espĂšce de page infernal, un gamin femelle Ă qui se pardonnaient les bons tours. Le rat pouvait tout prendre; il fallait s'en dĂ©fier comme d'un animal dangereux, il introduisait dans la vie un Ă©lĂ©ment de gaietĂ©, comme jadis les Scapin, les Sganarelle et les Frontin dans l'ancienne comĂ©die. Un rat Ă©tait trop cher il ne rapportait ni honneur, ni profit, ni plaisir; la mode des rats passa si bien, qu'aujourd'hui peu de personnes savaient ce dĂ©tail intime de la vie Ă©lĂ©gante avant la Restauration, jusqu'au moment oĂÂč quelques Ă©crivains se sont emparĂ©s du rat comme d'un sujet neuf. - Comment, Lucien, aprĂšs avoir eu Coralie tuĂ©e sous lui, nous ravirait la Torpille? dit Blondet. En entendant ce nom, le masque aux formes athlĂ©tiques laissa Ă©chapper un mouvement qui, bien que concentrĂ©, fut surpris par Rastignac. - Ce n'est pas possible! rĂ©pondit Finot, la Torpille n'a pas un liard Ă donner, elle a empruntĂ©, m'a dit Nathan, mille francs Ă Florine. - Oh! messieurs, messieurs!... dit Rastignac en essayant de dĂ©fendre Lucien contre de si odieuses imputations. - Eh! bien, s'Ă©cria Vernou, l'ancien entretenu de Coralie est-il donc si bĂ©gueule?... - Oh! ces mille francs-lĂ , dit Bixiou, me prouvent que notre ami Lucien vit avec la Torpille. - Quelle perte irrĂ©parable fait l'Ă©lite de la littĂ©rature, de la science, de l'art et de la politique! dit Blondet. La Torpille est la seule fille de joie en qui s'est rencontrĂ©e l'Ă©toffe d'une belle courtisane; l'instruction ne l'avait pas gĂÂątĂ©e, elle ne sait ni lire ni Ă©crire elle nous aurait compris. Nous aurions dotĂ© notre Ă©poque d'une de ces magnifiques figures aspasiennes sans lesquelles il n'y a pas de grand siĂšcle. Voyez comme la Dubarry va bien au dix-huitiĂšme siĂšcle, Ninon de Lenclos au dix-septiĂšme, Marion de Lorme au seiziĂšme, ImpĂ©ria au quinziĂšme, Flora Ă la rĂ©publique romaine, qu'elle fit son hĂ©ritiĂšre, et qui put payer la dette publique avec cette succession! Que serait Horace sans Lydie, Tibulle sans DĂ©lie, Catulle sans Lesbie, Properce sans Cynthie, DĂ©mĂ©trius sans Lamie, qui fait aujourd'hui sa gloire? - Blondet, parlant de DĂ©mĂ©trius dans le foyer de l'OpĂ©ra, me semble un peu trop DĂ©bats, dit Bixiou Ă l'oreille de son voisin. - Et sans toutes ces reines, que serait l'empire des CĂ©sars? disait toujours Blondet. LaĂÂŻs, Rhodope sont la GrĂšce et l'Egypte. Toutes sont d'ailleurs la poĂ©sie des siĂšcles oĂÂč elles ont vĂ©cu. Cette poĂ©sie, qui manque Ă NapolĂ©on, car la veuve de sa grande armĂ©e est une plaisanterie de caserne, n'a pas manquĂ© Ă la RĂ©volution, qui a eu madame Tallien! Maintenant, en France oĂÂč c'est Ă qui trĂÂŽnera, certes, il y a un trĂÂŽne vacant! A nous tous, nous pouvions faire une reine. Moi, j'aurais donnĂ© une tante Ă la Torpille, car sa mĂšre est trop authentiquement morte au champ du dĂ©shonneur; du Tillet lui aurait payĂ© un hĂÂŽtel, Lousteau une voiture, Rastignac des laquais, des Lupeaulx un cuisinier, Finot des chapeaux Finot ne put rĂ©primer un mouvement en recevant cette Ă©pigramme Ă bout portant, Vernou lui aurait fait des rĂ©clames, Bixiou lui aurait fait ses mots! L'aristocratie serait venue s'amuser chez notre Ninon, oĂÂč nous aurions appelĂ© les artistes sous peine d'articles mortifĂšres. Ninon IIe aurait Ă©tĂ© magnifique d'impertinence, Ă©crasante de luxe. Elle aurait eu des opinions. On aurait lu chez elle quelque chef-d'oeuvre dramatique dĂ©fendu qu'on aurait au besoin fait faire exprĂšs. Elle n'aurait pas Ă©tĂ© libĂ©rale, une courtisane est essentiellement monarchique. Ah! quelle perte! elle devait embrasser tout son siĂšcle, elle aime avec un petit jeune homme! Lucien en fera quelque chien de chasse! - Aucune des puissances femelles que tu nommes n'a barbotĂ© dans la rue, dit Finot, et ce joli rat a roulĂ© dans la fange. - Comme la graine d'un lis dans son terreau, reprit Vernou, elle s'y est embellie, elle y a fleuri. De lĂ vient sa supĂ©rioritĂ©. Ne faut-il pas avoir tout connu pour crĂ©er le rire et la joie qui tiennent Ă tout? - Il a raison, dit Lousteau qui jusqu'alors avait observĂ© sans parler, la Torpille sait rire et faire rire. Cette science des grands auteurs et des grands acteurs appartient Ă ceux qui ont pĂ©nĂ©trĂ© toutes les profondeurs sociales. A dix-huit ans, cette fille a dĂ©jĂ connu la plus haute opulence, la plus basse misĂšre, les hommes Ă tous les Ă©tages. Elle tient comme une baguette magique avec laquelle elle dĂ©chaĂne les appĂ©tits brutaux si violemment comprimĂ©s chez les hommes qui ont encore du coeur en s'occupant de politique ou de science, de littĂ©rature ou d'art. Il n'y a pas de femme dans Paris qui puisse dire comme elle Ă l'Animal "Sors!..." Et l'Animal quitte sa loge, et il se roule dans les excĂšs; elle vous met Ă table jusqu'au menton, elle vous aide Ă boire, Ă fumer. Enfin cette femme est le sel chantĂ© par Rabelais et qui, jetĂ© sur la matiĂšre, l'anime et l'Ă©lĂšve jusqu'aux merveilleuses rĂ©gions de l'Art sa robe dĂ©ploie des magnificences inouĂÂŻes, ses doigts laissent tomber Ă temps leurs pierreries, comme sa bouche les sourires; elle donne Ă toute chose l'esprit de la circonstance; son jargon pĂ©tille de traits piquants; elle a le secret des onomatopĂ©es les mieux colorĂ©es et les plus colorantes; elle... - Tu perds cent sous de feuilleton, dit Bixiou en interrompant Lousteau, la Torpille est infiniment mieux que tout cela vous avez tous Ă©tĂ© plus ou moins ses amants, nul de vous ne peut dire qu'elle a Ă©tĂ© sa maĂtresse; elle peut toujours vous avoir, vous ne l'aurez jamais. Vous forcez sa porte, vous avez un service Ă lui demander... - Oh! elle est plus gĂ©nĂ©reuse qu'un chef de brigands qui fait bien ses affaires, et plus dĂ©vouĂ©e que le meilleur camarade de collĂšge, dit Blondet on peut lui confier sa bourse et son secret. Mais ce qui me la faisait Ă©lire pour reine, c'est son indiffĂ©rence bourbonienne pour le favori tombĂ©. - Elle est comme sa mĂšre, beaucoup trop chĂšre, dit des Lupeaulx. La belle Hollandaise aurait avalĂ© les revenus de l'archevĂÂȘque de TolĂšde, elle a mangĂ© deux notaires... - Et nourri Maxime de Trailles quand il Ă©tait page, dit Bixiou. - La Torpille est trop chĂšre, comme RaphaĂl, comme CarĂÂȘme, comme Taglioni, comme Lawrence, comme Boule, comme tous les artistes de gĂ©nie Ă©taient trop chers..., dit Blondet. - Jamais Esther n'a eu cette apparence de femme comme il faut, dit alors Rastignac en montrant le masque Ă qui Lucien donnait le bras. Je parie pour madame de SĂ©risy. - Il n'y a pas de doute, reprit du ChĂÂątelet, et la fortune de monsieur de RubemprĂ© s'explique. - Ah! l'Eglise sait choisir ses lĂ©vites, quel joli secrĂ©taire d'ambassade il fera! dit des Lupeaulx. - D'autant plus, reprit Rastignac, que Lucien est un homme de talent. Ces messieurs en ont eu plus d'une preuve, ajouta-t-il en regardant Blondet, Finot et Lousteau. - Oui, le gars est taillĂ© pour aller loin, dit Lousteau qui crevait de jalousie, d'autant plus qu'il a ce que nous nommons de l'indĂ©pendance dans les idĂ©es... - C'est toi qui l'as formĂ©, dit Vernou - Eh! bien, rĂ©pliqua Bixiou en regardant des Lupeaulx, j'en appelle aux souvenirs de monsieur le secrĂ©taire-gĂ©nĂ©ral et maĂtre des requĂÂȘtes; ce masque est la Torpille, je gage un souper... - Je tiens le pari, dit ChĂÂątelet intĂ©ressĂ© Ă savoir la vĂ©ritĂ©. - Allons, des Lupeaulx, dit Finot, voyez Ă reconnaĂtre les oreilles de votre ancien rat. - Il n'y a pas besoin de commettre un crime de lĂšse-masque, reprit Bixiou, la Torpille et Lucien vont revenir jusqu'Ă nous en remontant le foyer, je m'engage alors Ă vous prouver que c'est elle. - Il est donc revenu sur l'eau, notre ami Lucien, dit Nathan qui se joignit au groupe, je le croyais retournĂ© dans l'Angoumois pour le reste de ses jours. A-t-il dĂ©couvert quelque secret contre les Anglais? - Il a fait ce que tu ne feras pas de sitĂÂŽt, rĂ©pondit Rastignac, il a tout payĂ©. Le gros masque hocha la tĂÂȘte en signe d'assentiment. - En se rangeant Ă son ĂÂąge, un homme se dĂ©range bien, il n'a plus d'audace, il devient rentier, reprit Nathan. - Oh! celui-lĂ sera toujours grand seigneur, et il aura toujours en lui une hauteur d'idĂ©es qui le mettra au-dessus de bien des hommes soi-disant supĂ©rieurs, rĂ©pondit Rastignac. En ce moment, journalistes, dandies, oisifs, tous examinaient, comme des maquignons examinent un cheval Ă vendre, le dĂ©licieux objet de leur pari. Ces juges vieillis dans la connaissance des dĂ©pravations parisiennes, tous d'un esprit supĂ©rieur et chacun Ă des titres diffĂ©rents, Ă©galement corrompus, Ă©galement corrupteurs, tous vouĂ©s Ă des ambitions effrĂ©nĂ©es, habituĂ©s Ă tout supposer, Ă tout deviner, avaient les yeux ardemment fixĂ©s sur une femme masquĂ©e, une femme qui ne pouvait ĂÂȘtre dĂ©chiffrĂ©e que par eux. Eux et quelques habituĂ©s du bal de l'OpĂ©ra savaient seuls reconnaĂtre, sous le long linceul du domino noir, sous le capuchon, sous le collet tombant qui rendent les femmes mĂ©connaissables, la rondeur des formes, les particularitĂ©s du maintien et de la dĂ©marche, le mouvement de la taille, le port de la tĂÂȘte, les choses les moins saisissables aux yeux vulgaires et les plus faciles Ă voir pour eux. MalgrĂ© cette enveloppe informe, ils purent donc reconnaĂtre le plus Ă©mouvant des spectacles, celui que prĂ©sente Ă l'oeil une femme animĂ©e par un vĂ©ritable amour. Que ce fĂ»t la Torpille, la duchesse de Maufrigneuse ou madame de SĂ©risy, le dernier ou le premier Ă©chelon de l'Ă©chelle sociale, cette crĂ©ature Ă©tait une admirable crĂ©ation, l'Ă©clair des rĂÂȘves heureux. Ces vieux jeunes gens, aussi bien que ces jeunes vieillards, Ă©prouvĂšrent une sensation si vive qu'ils enviĂšrent Ă Lucien le privilĂšge sublime de cette mĂ©tamorphose de la femme en dĂ©esse. Le masque Ă©tait lĂ comme s'il eĂ»t Ă©tĂ© seul avec Lucien, il n'y avait plus pour cette femme dix mille personnes, une atmosphĂšre lourde et pleine de poussiĂšre; non; elle Ă©tait sous la voĂ»te cĂ©leste des Amours, comme les madones de RaphaĂl sont sous leur ovale filet d'or. Elle ne sentait point les coudoiements, la flamme de son regard partait par les deux trous du masque et se ralliait aux yeux de Lucien, enfin le frĂ©missement de son corps semblait avoir pour principe le mouvement mĂÂȘme de son ami. D'oĂÂč vient cette flamme qui rayonne autour d'une femme amoureuse et qui la signale entre toutes? d'oĂÂč vient cette lĂ©gĂšretĂ© de sylphide qui semble changer les lois de la pesanteur? Est-ce l'ĂÂąme qui s'Ă©chappe? Le bonheur a-t-il des vertus physiques? L'ingĂ©nuitĂ© d'une vierge, les grĂÂąces de l'enfance se trahissaient sous le domino. Quoique sĂ©parĂ©s et marchant, ces deux ĂÂȘtres ressemblaient Ă ces groupes de Flore et ZĂ©phire savamment enlacĂ©s par les plus habiles statuaires; mais c'Ă©tait plus que de la sculpture, le plus grand des arts, Lucien et son joli domino rappelaient ces anges occupĂ©s de fleurs ou d'oiseaux, et que le pinceau de Gian-Bellini a mis sous les images de la VirginitĂ©-mĂšre; Lucien et cette femme appartenaient Ă la Fantaisie, qui est au-dessus de l'Art comme la cause est au-dessus de l'effet. Quand cette femme, qui oubliait tout, fut Ă un pas du groupe, Bixiou cria "Esther?" L'infortunĂ©e tourna vivement la tĂÂȘte comme une personne qui s'entend appeler, reconnut le malicieux personnage, et baissa la tĂÂȘte comme un agonisant qui a rendu le dernier soupir. Un rire strident partit, et le groupe fondit au milieu de la foule comme une troupe de mulots effrayĂ©s, qui du bord d'un chemin rentrent dans leurs trous. Rastignac seul ne s'en alla pas plus loin qu'il ne le devait pour ne pas avoir l'air de fuir les regards Ă©tincelants de Lucien, il put admirer deux douleurs Ă©galement profondes quoique voilĂ©es d'abord la pauvre Torpille abattue comme par un coup de foudre, puis le masque incomprĂ©hensible, le seul du groupe qui fĂ»t restĂ©. Esther dit un mot Ă l'oreille de Lucien au moment oĂÂč ses genoux flĂ©chirent, et Lucien disparut avec elle en la soutenant. Rastignac suivit du regard ce joli couple, en demeurant abĂmĂ© dans ses rĂ©flexions. - D'oĂÂč lui vient ce nom de Torpille? lui dit une voix sombre qui l'atteignit aux entrailles, car elle n'Ă©tait plus dĂ©guisĂ©e. - C'est bien lui qui s'est encore Ă©chappĂ©..., dit Rastignac Ă part. - Tais-toi ou je t'Ă©gorge, rĂ©pondit le masque en prenant une autre voix. Je suis content de toi, tu as tenu ta parole, aussi as-tu plus d'un bras Ă ton service. Sois dĂ©sormais muet comme la tombe; et avant de te taire, rĂ©ponds Ă ma demande. - Eh! bien, cette fille est si attrayante qu'elle aurait engourdi l'empereur NapolĂ©on, et qu'elle engourdirait quelqu'un de plus difficile Ă sĂ©duire toi! rĂ©pondit Rastignac en s'Ă©loignant. - Un instant, dit le masque. Je vais te montrer que tu dois ne m'avoir jamais vu nulle part. L'homme se dĂ©masqua, Rastignac hĂ©sita pendant un moment ne trouvant rien du hideux personnage qu'il avait jadis connu dans la Maison Vauquer. - Le diable vous a permis de tout changer en vous, moins vos yeux qu'on ne saurait oublier, lui dit-il. La main de fer lui serra le bras pour lui recommander un silence Ă©ternel. A trois heures du matin, des Lupeaulx et Finot trouvĂšrent l'Ă©lĂ©gant Rastignac Ă la mĂÂȘme place, appuyĂ© sur la colonne oĂÂč l'avait laissĂ© le terrible masque. Rastignac s'Ă©tait confessĂ© Ă lui-mĂÂȘme il avait Ă©tĂ© le prĂÂȘtre et le pĂ©nitent, le juge et l'accusĂ©. Il se laissa emmener Ă dĂ©jeuner, et revint chez lui parfaitement gris, mais taciturne. Un paysage parisien La rue de Langlade, de mĂÂȘme que les rues adjacentes, sĂ©pare le Palais-Royal et la rue de Rivoli. Cette partie d'un des plus brillants quartiers de Paris conservera longtemps la souillure qu'y ont laissĂ©e les monticules produits par les immondices du vieux Paris, et sur lesquels il y eut autrefois des moulins. Ces rues Ă©troites, sombres et boueuses, oĂÂč s'exercent des industries peu soigneuses de leurs dehors, prennent Ă la nuit une physionomie mystĂ©rieuse et pleine de contrastes. En venant des endroits lumineux de la rue Saint-HonorĂ©, de la rue Neuve-des-Petits-Champs et de la rue de Richelieu, oĂÂč se presse une foule incessante, oĂÂč reluisent les chefs-d'oeuvre de l'Industrie, de la Mode et des Arts, tout homme Ă qui le Paris du soir est inconnu serait saisi d'une terreur triste en tombant dans le lacis de petites rues qui cercle cette lueur reflĂ©tĂ©e jusque sur le ciel. Une ombre Ă©paisse succĂšde Ă des torrents de gaz. De loin en loin, un pĂÂąle rĂ©verbĂšre jette sa lueur incertaine et fumeuse qui n'Ă©claire plus certaines impasses noires. Les passants vont vite et sont rares. Les boutiques sont fermĂ©es, celles qui sont ouvertes ont un mauvais caractĂšre c'est un cabaret malpropre et sans lumiĂšre, une boutique de lingĂšre qui vend de l'eau de Cologne. Un froid malsain pose sur vos Ă©paules son manteau moite. Il passe peu de voitures. Il y a des coins sinistres, parmi lesquels se distingue la rue de Langlade, le dĂ©bouchĂ© du passage Saint-Guillaume et quelques tournants de rues. Le Conseil municipal n'a pu rien faire encore pour laver cette grande lĂ©proserie, car la prostitution a depuis longtemps Ă©tabli lĂ son quartier gĂ©nĂ©ral. Peut-ĂÂȘtre est-ce un bonheur pour le monde parisien que de laisser Ă ces ruelles leur aspect ordurier. En y passant pendant la journĂ©e, on ne peut se figurer ce que toutes ces rues deviennent Ă la nuit; elles sont sillonnĂ©es par des ĂÂȘtres bizarres qui ne sont d'aucun monde; des formes Ă demi nues et blanches meublent les murs, l'ombre est animĂ©e. Il se coule entre la muraille et le passant des toilettes qui marchent et qui parlent. Certaines portes entrebĂÂąillĂ©es se mettent Ă rire aux Ă©clats. Il tombe dans l'oreille de ces paroles que Rabelais prĂ©tend s'ĂÂȘtre gelĂ©es et qui fondent. Des ritournelles sortent d'entre les pavĂ©s. Le bruit n'est pas vague, il signifie quelque chose quand il est rauque, c'est une voix; mais s'il ressemble Ă un chant, il n'a plus rien d'humain, il approche du sifflement. Il part souvent des coups de sifflet. Enfin les talons de botte ont je ne sais quoi de provoquant et de moqueur. Cet ensemble de choses donne le vertige. Les conditions atmosphĂ©riques y sont changĂ©es on y a chaud en hiver et froid en Ă©tĂ©. Mais, quelque temps qu'il fasse, cette nature Ă©trange offre toujours le mĂÂȘme spectacle le monde fantastique d'Hoffmann le Berlinois est lĂ . Le caissier le plus mathĂ©matique n'y trouve rien de rĂ©el aprĂšs avoir repassĂ© les dĂ©troits qui mĂšnent aux rues honnĂÂȘtes oĂÂč il y a des passants, des boutiques et des quinquets. Plus dĂ©daigneuse ou plus honteuse que les reines et que les rois du temps passĂ©, qui n'ont pas craint de s'occuper des courtisanes, l'administration ou la politique moderne n'ose plus envisager en face cette plaie des capitales. Certes, les mesures doivent changer avec les temps, et celles qui tiennent aux individus et Ă leur libertĂ© sont dĂ©licates; mais peut-ĂÂȘtre devrait-on se montrer large et hardi sur les combinaisons purement matĂ©rielles, comme l'air, la lumiĂšre, les locaux. Le moraliste, l'artiste et le sage administrateur regretteront les anciennes Galeries de Bois du Palais-Royal oĂÂč se parquaient ces brebis qui viendront toujours oĂÂč vont les promeneurs; et ne vaut-il pas mieux que les promeneurs aillent oĂÂč elles sont? Qu'est-il arrivĂ©? Aujourd'hui les parties les plus brillantes des boulevards, cette promenade enchantĂ©e, sont interdites le soir Ă la famille. La Police n'a pas su profiter des ressources offertes, sous ce rapport, par quelques Passages, pour sauver la voie publique. La fille brisĂ©e par un mot au bal de l'OpĂ©ra demeurait, depuis un mois ou deux, rue de Langlade, dans une maison d'ignoble apparence. AccolĂ©e au mur d'une immense maison, cette construction, mal plĂÂątrĂ©e, sans profondeur et d'une hauteur prodigieuse, tire son jour de la rue et ressemble assez Ă un bĂÂąton de perroquet. Un appartement de deux piĂšces s'y trouve Ă chaque Ă©tage. Cette maison est desservie par un escalier mince, plaquĂ© contre la muraille et singuliĂšrement Ă©clairĂ© par des chĂÂąssis qui dessinent extĂ©rieurement la rampe, et oĂÂč chaque palier est indiquĂ© par un plomb, l'une des plus horribles particularitĂ©s de Paris. La boutique et l'entresol appartenaient alors Ă un ferblantier, le propriĂ©taire demeure au premier, les quatre autres Ă©tages Ă©taient occupĂ©s par des grisettes trĂšs dĂ©centes qui obtenaient du propriĂ©taire et de la portiĂšre une considĂ©ration et des complaisances nĂ©cessitĂ©es par la difficultĂ© de louer une maison si singuliĂšrement bĂÂątie et situĂ©e. La destination de ce quartier s'explique par l'existence d'une assez grande quantitĂ© de maisons semblables Ă celle-ci, dont ne veut pas le Commerce, et qui ne peuvent ĂÂȘtre exploitĂ©es que par des industries dĂ©savouĂ©es, prĂ©caires ou sans dignitĂ©. IntĂ©rieur aussi connu des uns qu'inconnu des autres A trois heures aprĂšs-midi, la portiĂšre, qui avait vu mademoiselle Esther ramenĂ©e mourante par un jeune homme Ă deux heures du matin, venait de tenir conseil avec la grisette logĂ©e Ă l'Ă©tage supĂ©rieur, laquelle, avant de monter en voiture pour se rendre Ă quelque partie de plaisir, lui avait tĂ©moignĂ© son inquiĂ©tude sur Esther elle ne l'avait pas entendue remuer. Esther dormait sans doute encore, mais ce sommeil semblait suspect. Seule dans sa loge, la portiĂšre regrettait de ne pouvoir aller s'enquĂ©rir de ce qui se passait au quatriĂšme Ă©tage, oĂÂč se trouvait le logement de mademoiselle Esther. Au moment oĂÂč elle se dĂ©cidait Ă confier au fils du ferblantier la garde de sa loge, espĂšce de niche pratiquĂ©e dans un enfoncement de mur, Ă l'entresol, un fiacre s'arrĂÂȘta. Un homme enveloppĂ© dans un manteau de la tĂÂȘte aux pieds, avec une Ă©vidente intention de cacher son costume ou sa qualitĂ©, en sortit et demanda mademoiselle Esther. La portiĂšre fut alors entiĂšrement rassurĂ©e, le silence et la tranquillitĂ© de la recluse lui semblĂšrent parfaitement expliquĂ©s. Lorsque le visiteur monta les degrĂ©s au-dessus de la loge, la portiĂšre remarqua les boucles d'argent qui dĂ©coraient ses souliers, elle crut avoir aperçu la frange noire d'une ceinture de soutane; elle descendit et questionna le cocher, qui rĂ©pondit sans parler, et la portiĂšre comprit encore. Le prĂÂȘtre frappa, ne reçut aucune rĂ©ponse, entendit de lĂ©gers soupirs, et força la porte d'un coup d'Ă©paule, avec une vigueur que lui donnait sans doute la charitĂ©, mais qui chez tout autre aurait paru ĂÂȘtre de l'habitude. Il se prĂ©cipita dans la seconde piĂšce, et vit, devant une sainte Vierge en plĂÂątre coloriĂ©, la pauvre Esther agenouillĂ©e, ou mieux, tombĂ©e sur elle-mĂÂȘme, les mains jointes. La grisette expirait. Un rĂ©chaud de charbon consumĂ© disait l'histoire de cette terrible matinĂ©e. Le capuchon et le mantelet du domino se trouvaient Ă terre. Le lit n'Ă©tait pas dĂ©fait. La pauvre crĂ©ature, atteinte au coeur d'une blessure mortelle, avait tout disposĂ© sans doute Ă son retour de l'OpĂ©ra. Une mĂšche de chandelle, figĂ©e dans la mare que contenait la bobĂšche du chandelier, apprenait combien Esther avait Ă©tĂ© absorbĂ©e par ses derniĂšres rĂ©flexions. Un mouchoir trempĂ© de larmes prouvait la sincĂ©ritĂ© de ce dĂ©sespoir de Madeleine, dont la pose classique Ă©tait celle de la courtisane irrĂ©ligieuse. Ce repentir absolu fit sourire le prĂÂȘtre. Inhabile Ă mourir, Esther avait laissĂ© sa porte ouverte sans calculer que l'air des deux piĂšces voulait une plus grande quantitĂ© de charbon pour devenir irrespirable; la vapeur l'avait seulement Ă©tourdie; l'air frais venu de l'escalier la rendit par degrĂ©s au sentiment de ses maux. Le prĂÂȘtre demeura debout, perdu dans une sombre mĂ©ditation, sans ĂÂȘtre touchĂ© de la divine beautĂ© de cette fille, examinant ses premiers mouvements comme si c'eĂ»t Ă©tĂ© quelque animal. Ses yeux allaient de ce corps affaissĂ© Ă des objets indiffĂ©rents avec une apparente indiffĂ©rence. Il regarda le mobilier de cette chambre, dont le carreau rouge, frottĂ©, froid, Ă©tait mal cachĂ© par un mĂ©chant tapis qui montrait la corde. Une couchette en bois peint, d'un vieux modĂšle, enveloppĂ©e de rideaux en calicot jaune Ă rosaces rouges; un seul fauteuil et deux chaises Ă©galement en bois peint, et couvertes du mĂÂȘme calicot qui avait aussi fourni les draperies de la fenĂÂȘtre; un papier Ă fond gris mouchetĂ© de fleurs, mais noirci par le temps et gras; une table Ă ouvrage en acajou; la cheminĂ©e encombrĂ©e d'ustensiles de cuisine de la plus vile espĂšce, deux falourdes entamĂ©es, un chambranle en pierre sur lequel Ă©taient çà et lĂ quelques verroteries mĂÂȘlĂ©es Ă des bijoux, Ă des ciseaux; une pelote salie, des gants blancs et parfumĂ©s, un dĂ©licieux chapeau jetĂ© sur le pot Ă l'eau, un chĂÂąle de Ternaux qui bouchait la fenĂÂȘtre, une robe Ă©lĂ©gante pendue Ă un clou, un petit canapĂ©, sec, sans coussins; d'ignobles socques cassĂ©s et des souliers mignons, des brodequins Ă faire envie Ă une reine, des assiettes de porcelaine commune Ă©brĂ©chĂ©es oĂÂč se voyaient les restes du dernier repas, et encombrĂ©es de couverts en maillechort, l'argenterie du pauvre Ă Paris; un corbillon plein de pommes de terre et du linge Ă blanchir, puis par-dessus un frais bonnet de gaze; une mauvaise armoire Ă glace ouverte et dĂ©serte, sur les tablettes de laquelle se voyaient des reconnaissances du Mont-de-PiĂ©tĂ© tel Ă©tait l'ensemble de choses lugubres et joyeuses, misĂ©rables et riches, qui frappait le regard. Ces vestiges de luxe dans ces tessons, ce mĂ©nage si bien appropriĂ© Ă la vie bohĂ©mienne de cette fille abattue dans ses linges dĂ©faits comme un cheval mort dans son harnais, sous son brancard cassĂ©, empĂÂȘtrĂ© dans ses guides, ce spectacle Ă©trange faisait-il penser le prĂÂȘtre? Se disait-il qu'au moins cette crĂ©ature Ă©garĂ©e devait ĂÂȘtre dĂ©sintĂ©ressĂ©e pour accoupler une telle pauvretĂ© avec l'amour d'un jeune homme riche? Attribuait-il le dĂ©sordre du mobilier au dĂ©sordre de la vie? Eprouvait-il de la pitiĂ©, de l'effroi? Sa charitĂ© s'Ă©mouvait-elle? Qui l'eĂ»t vu, les bras croisĂ©s, le front soucieux, les lĂšvres crispĂ©es, l'oeil ĂÂąpre, l'aurait cru prĂ©occupĂ© de sentiments sombres, haineux, de rĂ©flexions qui se contrariaient, de projets sinistres. Il Ă©tait, certes, insensible aux jolies rondeurs d'un sein presque Ă©crasĂ© sous le poids du buste flĂ©chi et aux formes dĂ©licieuses de la VĂ©nus accroupie qui paraissaient sous le noir de la jupe, tant la mourante Ă©tait rigoureusement ramassĂ©e sous elle-mĂÂȘme; l'abandon de cette tĂÂȘte, qui vue par derriĂšre, offrait au regard la nuque blanche, molle et flexible, les belles Ă©paules d'une nature hardiment dĂ©veloppĂ©e, ne l'Ă©mouvait point; il ne relevait pas Esther, il ne semblait pas entendre les aspirations dĂ©chirantes par lesquelles se trahissait le retour Ă la vie il fallut un sanglot terrible et le regard effrayant que lui lança cette fille pour qu'il daignĂÂąt la relever et la porter sur le lit avec une facilitĂ© qui rĂ©vĂ©lait une force prodigieuse. - Lucien! dit-elle en murmurant. - L'amour revient, la femme n'est pas loin, dit le prĂÂȘtre avec une sorte d'amertume. La victime des dĂ©pravations parisiennes aperçut alors le Costume de son libĂ©rateur, et dit, avec le sourire de l'enfant quand il met la main sur une chose enviĂ©e "Je ne mourrai donc pas sans m'ĂÂȘtre rĂ©conciliĂ©e avec le ciel!" - Vous pourrez expier vos fautes, dit le prĂÂȘtre en lui mouillant le front avec de l'eau et lui faisant respirer une burette de vinaigre qu'il trouva dans un coin. - Je sens que la vie, au lieu de m'abandonner, afflue en moi, dit-elle aprĂšs avoir reçu les soins du prĂÂȘtre et en lui exprimant sa gratitude par des gestes pleins de naturel. Cette attrayante pantomime, que les GrĂÂąces auraient dĂ©ployĂ©e pour sĂ©duire, justifiait parfaitement le surnom de cette Ă©trange fille. - Vous sentez-vous mieux? demanda l'ecclĂ©siastique en lui donnant Ă boire un verre d'eau sucrĂ©e. Cet homme semblait ĂÂȘtre au fait de ces singuliers mĂ©nages, il en connaissait tout. Il Ă©tait lĂ comme chez lui. Ce privilĂšge d'ĂÂȘtre partout chez soi n'appartient qu'aux rois, aux filles et aux voleurs. La confession d'un rat - Quand vous serez tout Ă fait bien, reprit ce singulier prĂÂȘtre aprĂšs une pause, vous me direz les raisons qui vous ont portĂ©e Ă commettre votre dernier crime, ce suicide commencĂ©. - Mon histoire est bien simple, mon pĂšre, rĂ©pondit-elle. Il y a trois mois, je vivais dans le dĂ©sordre oĂÂč je suis nĂ©e. J'Ă©tais la derniĂšre des crĂ©atures et la plus infĂÂąme, maintenant je suis seulement la plus malheureuse de toutes. Permettez-moi de ne rien vous raconter de ma pauvre mĂšre, morte assassinĂ©e... - Par un capitaine, dans une maison suspecte, dit le prĂÂȘtre en interrompant sa pĂ©nitente... Je connais votre origine, et sais que si une personne de votre sexe peut jamais ĂÂȘtre excusĂ©e de mener une vie honteuse, c'est vous Ă qui les bons exemples ont manquĂ©. - HĂ©las! je n'ai pas Ă©tĂ© baptisĂ©e, et n'ai reçu les enseignements d'aucune religion. - Tout est donc encore rĂ©parable, reprit le prĂÂȘtre, pourvu que votre foi, votre repentir soient sincĂšres et sans arriĂšre-pensĂ©e. - Lucien et Dieu remplissent mon coeur, dit-elle avec une touchante ingĂ©nuitĂ©. - Vous auriez pu dire Dieu et Lucien, rĂ©pliqua le prĂÂȘtre en souriant. Vous me rappelez l'objet de ma visite. N'omettez rien de ce qui concerne ce jeune homme. - Vous venez pour lui? demanda-t-elle avec une expression amoureuse qui eĂ»t attendri tout autre prĂÂȘtre. Oh! il s'est doutĂ© du coup. - Non, rĂ©pondit-il, ce n'est pas de votre mort, mais de votre vie que l'on s'inquiĂšte. Allons, expliquez-moi vos relations. - En un mot, dit-elle. La pauvre fille tremblait au ton brusque de l'ecclĂ©siastique, mais en femme que la brutalitĂ© ne surprenait plus depuis longtemps. - Lucien est Lucien, reprit-elle, le plus beau jeune homme, et le meilleur des ĂÂȘtres vivants; mais si vous le connaissez, mon amour doit vous sembler bien naturel. Je l'ai rencontrĂ© par hasard, il y a trois mois, Ă la Porte-Saint-Martin oĂÂč j'Ă©tais allĂ©e un jour de sortie; car nous avions un jour par semaine dans la maison de madame Meynardie oĂÂč j'Ă©tais. Le lendemain, vous comprenez bien que je me suis affranchie sans permission. L'amour Ă©tait entrĂ© dans mon coeur, et m'avait si bien changĂ©e qu'en revenant du thĂ©ĂÂątre, je ne me reconnaissais plus moi-mĂÂȘme je me faisais horreur. Jamais Lucien n'a pu rien savoir. Au lieu de lui dire oĂÂč j'Ă©tais, je lui ai donnĂ© l'adresse de ce logement oĂÂč demeurait alors une de mes amies qui a eu la complaisance de me le cĂ©der. Je vous jure ma parole sacrĂ©e... - Il ne faut point jurer. - Est-ce donc jurer que de donner sa parole sacrĂ©e! Eh! bien, depuis ce jour j'ai travaillĂ© dans cette chambre, comme une perdue, Ă faire des chemises Ă vingt-huit sous de façon, afin de vivre d'un travail honnĂÂȘte. Pendant un mois, je n'ai mangĂ© que des pommes de terre, pour rester sage et digne de Lucien, qui m'aime et me respecte comme la plus vertueuse des vertueuses. J'ai fait ma dĂ©claration en forme Ă la Police, pour reprendre mes droits et je suis soumise Ă deux ans de surveillance. Eux, qui sont si faciles pour vous inscrire sur les registres d'infamie, deviennent d'une excessive difficultĂ© pour vous en rayer. Tout ce que je demandais au ciel Ă©tait de protĂ©ger ma rĂ©solution. J'aurai dix-neuf ans au mois d'avril Ă cet ĂÂąge il y a de la ressource. Il me semble, Ă moi, que je ne suis nĂ©e qu'il y a trois mois... Je priais le bon Dieu tous les matins, et lui demandais de permettre que jamais Lucien ne connĂ»t ma vie antĂ©rieure. J'ai achetĂ© cette Vierge que vous voyez; je la priais Ă ma maniĂšre, vu que je ne sais point de priĂšres; je ne sais ni lire, ni Ă©crire, je ne suis jamais entrĂ©e dans une Ă©glise, je n'ai jamais vu le bon Dieu qu'aux processions, par curiositĂ©. - Que dites-vous donc Ă la Vierge? - Je lui parle comme je parle Ă Lucien, avec ces Ă©lans d'ĂÂąme qui le font pleurer. - Ah! il pleure? - De joie, dit-elle vivement. Pauvre chat! nous nous entendons si bien que nous avons une mĂÂȘme ĂÂąme! Il est si gentil si caressant, si doux de coeur, d'esprit et de maniĂšres...! Il dit qu'il est poĂšte, moi je dis qu'il est Dieu... Pardon! mais, vous autres prĂÂȘtres, vous ne savez pas ce que c'est que l'amour. Il n'y a d'ailleurs que nous qui connaissions assez les hommes pour apprĂ©cier un Lucien. Un Lucien, voyez-vous, est aussi rare qu'une femme sans pĂ©chĂ©; quand on le rencontre, on ne peut plus aimer que lui voilĂ . Mais Ă un pareil ĂÂȘtre, il faut sa pareille. Je voulais donc ĂÂȘtre digne d'ĂÂȘtre aimĂ©e par mon Lucien. De lĂ , est venu mon malheur. Hier, Ă l'OpĂ©ra, j'ai Ă©tĂ© reconnue par des jeunes gens qui n'ont pas plus de coeur qu'il n'y a de pitiĂ© chez les tigres; encore m'entendrai-je avec un tigre! Le voile d'innocence que j'avais est tombĂ©; leurs rires m'ont fendu la tĂÂȘte et le coeur. Ne croyez pas m'avoir sauvĂ©e, je mourrai de chagrin. - Votre voile d'innocence?... dit le prĂÂȘtre, vous avez donc traitĂ© Lucien avec la derniĂšre rigueur? - Oh! mon pĂšre, comment vous, qui le connaissez, me faites-vous une semblable question! rĂ©pondit-elle en lui jetant un sourire superbe. On ne rĂ©siste pas Ă un Dieu. - Ne blasphĂ©mez pas, dit l'ecclĂ©siastique d'une voix douce. Personne ne peut ressembler Ă Dieu; l'exagĂ©ration va mal au vĂ©ritable amour, vous n'aviez pas pour votre idole un amour pur et vrai. Si vous aviez Ă©prouvĂ© le changement que vous vous vantez d'avoir subi, vous eussiez acquis les vertus qui sont l'apanage de l'adolescence, vous auriez connu les dĂ©lices de la chastetĂ©, les dĂ©licatesses de la pudeur, ces deux gloires de la jeune fille. Vous n'aimez pas. Esther fit un geste d'effroi que vit le prĂÂȘtre, et qui n'Ă©branla point l'impassibilitĂ© de ce confesseur. - Oui, vous l'aimez pour vous et non pour lui, pour les plaisirs temporels qui vous charment, et non pour l'amour en lui-mĂÂȘme; si vous vous en ĂÂȘtes emparĂ©e ainsi, vous n'aviez pas ce tremblement sacrĂ© qu'inspire un ĂÂȘtre sur qui Dieu a mis le cachet des plus adorables perfections avez-vous songĂ© que vous le dĂ©gradiez par votre impuretĂ© passĂ©e, que vous alliez corrompre un enfant par ces Ă©pouvantables dĂ©lices qui vous ont mĂ©ritĂ© votre surnom, glorieux d'infamie? Vous avez Ă©tĂ© inconsĂ©quente avec vous-mĂÂȘme et avec votre passion d'un jour... - D'un jour! rĂ©pĂ©ta-t-elle en levant les yeux. - De quel nom appeler un amour qui n'est pas Ă©ternel, qui ne nous unit pas, jusque dans l'avenir du chrĂ©tien, avec celui que nous aimons? - Ah! je veux ĂÂȘtre catholique, cria-t-elle d'un ton sourd et violent qui lui eĂ»t obtenu sa grĂÂące de Notre Sauveur. - Est-ce une fille qui n'a reçu ni le baptĂÂȘme de l'Eglise ni celui de la science, qui ne sait ni lire, ni Ă©crire, ni prier, qui ne peut faire un pas sans que les pavĂ©s ne se lĂšvent pour l'accuser, remarquable seulement par le fugitif privilĂšge d'une beautĂ© que la maladie enlĂšvera demain peut-ĂÂȘtre; est-ce cette crĂ©ature avilie, dĂ©gradĂ©e, et qui connaissait sa dĂ©gradation... ignorante et moins aimante, vous eussiez Ă©tĂ© plus excusable..., est-ce la proie future du suicide et de l'enfer, qui pouvait ĂÂȘtre la femme de Lucien de RubemprĂ©? Chaque phrase Ă©tait un coup de poignard qui entrait Ă fond de coeur. A chaque phrase, les sanglots croissants, les larmes abondantes de la fille au dĂ©sespoir attestaient la force avec laquelle la lumiĂšre entrait Ă la fois dans son intelligence pure comme celle d'un sauvage, dans son ĂÂąme enfin rĂ©veillĂ©e, dans sa nature sur laquelle la dĂ©pravation avait mis une couche de glace boueuse, qui fondait alors au soleil de la foi. - Pourquoi ne suis-je pas morte! Ă©tait la seule idĂ©e qu'elle exprimait au milieu des torrents d'idĂ©es qui ruisselaient dans sa cervelle en la ravageant. - Ma fille, dit le terrible juge, il est un amour qui ne s'avoue point devant les hommes, et dont les confidences sont reçues avec des sourires de bonheur par les anges. - Lequel? - L'amour sans espoir quand il inspire la vie, quand il y met le principe des dĂ©vouements, quand il ennoblit tous les actes par la pensĂ©e d'arriver Ă une perfection idĂ©ale. Oui, les anges approuvent cet amour, il mĂšne Ă la connaissance de Dieu. Se perfectionner sans cesse pour se rendre digne de celui qu'on aime, lui faire mille sacrifices secrets, l'adorer de loin, donner son sang goutte Ă goutte, lui immoler son amour-propre, ne plus avoir ni orgueil ni colĂšre avec lui, lui dĂ©rober jusqu'Ă la connaissance des jalousies atroces qu'il Ă©chauffe au coeur, lui donner tout ce qu'il souhaite, fĂ»t-ce Ă notre dĂ©triment, aimer ce qu'il aime, avoir toujours le visage tournĂ© vers lui pour le suivre sans qu'il le sache; cet amour, la religion vous l'eĂ»t pardonnĂ©, il n'offensait ni les lois humaines ni les lois divines, et conduisait dans une autre voie que celle de vos sales voluptĂ©s. En entendant cet horrible arrĂÂȘt exprimĂ© par un mot et quel mot? et de quel accent fut-il accompagnĂ©? Esther fut en proie Ă une dĂ©fiance assez lĂ©gitime. Ce mot fut comme un coup de tonnerre qui trahit un orage prĂšs de fondre. Elle regarda ce prĂÂȘtre, et il lui prit le saisissement d'entrailles qui tord le plus courageux en face d'un danger imminent et soudain. Aucun regard n'aurait pu lire ce qui se passait alors en cet homme; mais pour les plus hardis il y aurait eu plus Ă frĂ©mir qu'Ă espĂ©rer Ă l'aspect de ses yeux, jadis clairs et jaunes comme ceux des tigres, et sur lesquels les austĂ©ritĂ©s et les privations avaient mis un voile semblable Ă celui qui se trouve sur les horizons au milieu de la canicule la terre est chaude et lumineuse, mais le brouillard la rend indistincte, vaporeuse, elle est presque invisible. Une gravitĂ© toute espagnole, des plis profonds que les mille cicatrices d'une horrible petite vĂ©role rendaient hideux et semblables Ă des orniĂšres dĂ©chirĂ©es, sillonnaient sa figure olivĂÂątre et cuite par le soleil. La duretĂ© de cette physionomie ressortait d'autant mieux qu'elle Ă©tait encadrĂ©e par la sĂšche perruque du prĂÂȘtre qui ne se soucie plus de sa personne, une perruque pelĂ©e et d'un noir rouge Ă la lumiĂšre. Son buste d'athlĂšte, ses mains de vieux soldat, sa carrure, ses fortes Ă©paules appartenaient Ă ces caryatides que les architectes du Moyen Age ont employĂ©es dans quelques palais italiens, et que rappellent imparfaitement celles de la façade du thĂ©ĂÂątre de la Porte Saint-Martin. Les personnes les moins clairvoyantes eussent pensĂ© que les passions les plus chaudes ou des accidents peu communs avaient jetĂ© cet homme dans le sein de l'Eglise; certes, les plus Ă©tonnants coups de foudre avaient pu seuls le changer, si toutefois une pareille nature Ă©tait susceptible de changement. Ce que c'est que les filles Les femmes qui ont menĂ© la vie alors si violemment rĂ©pudiĂ©e par Esther arrivent Ă une indiffĂ©rence absolue sur les formes extĂ©rieures de l'homme. Elles ressemblent au critique littĂ©raire d'aujourd'hui, qui, sous quelques rapports, peut leur ĂÂȘtre comparĂ©, et qui arrive Ă une profonde insouciance des formules d'art il a tant lu d'ouvrages, il en voit tant passer, il s'est tant accoutumĂ© aux pages Ă©crites, il a subi tant de dĂ©nouements, il a vu tant de drames, il a tant fait d'articles sans dire ce qu'il pensait, en trahissant si souvent la cause de l'art en faveur de ses amitiĂ©s et de ses inimitiĂ©s, qu'il arrive au dĂ©goĂ»t de toute chose et continue nĂ©anmoins Ă juger. Il faut un miracle pour que cet Ă©crivain produise une oeuvre, de mĂÂȘme que l'amour pur et noble exige un autre miracle pour Ă©clore dans le coeur d'une courtisane. Le ton et les maniĂšres de ce prĂÂȘtre, qui semblait Ă©chappĂ© d'une toile de Zurbaran, parurent si hostiles Ă cette pauvre fille, Ă qui la forme importait peu, qu'elle se crut moins l'objet d'une sollicitude que le sujet nĂ©cessaire d'un plan. Sans pouvoir distinguer entre le patelinage de l'intĂ©rĂÂȘt personnel et l'onction de la charitĂ©, car il faut bien ĂÂȘtre sur ses gardes pour reconnaĂtre la fausse monnaie que donne un ami, elle se sentit comme entre les griffes d'un oiseau monstrueux et fĂ©roce qui tombait sur elle aprĂšs avoir planĂ© longtemps et, dans son effroi, elle dit ces paroles d'une voix alarmĂ©e "je croyais les prĂÂȘtres chargĂ©s de nous consoler, et vous m'assassinez!" A ce cri de l'innocence, l'ecclĂ©siastique laissa Ă©chapper un geste, et fit une pause; il se recueillit avant de rĂ©pondre. Pendant cet instant, ces deux personnages si singuliĂšrement rĂ©unis s'examinĂšrent Ă la dĂ©robĂ©e. Le prĂÂȘtre comprit la fille, sans que la fille pĂ»t comprendre le prĂÂȘtre. Il renonça sans doute Ă quelque dessein qui menaçait la pauvre Esther, et revint Ă ses idĂ©es premiĂšres. - Nous sommes les mĂ©decins des ĂÂąmes, dit-il d'une voix douce, et nous savons quels remĂšdes conviennent Ă leurs maladies. - Il faut pardonner beaucoup Ă la misĂšre, dit Esther. Elle crut s'ĂÂȘtre trompĂ©e, se coula Ă bas de son lit, se prosterna aux pieds de cet homme, baisa sa soutane avec une profonde humilitĂ©, et releva vers lui des yeux baignĂ©s de larmes. - Je croyais avoir beaucoup fait, dit-elle. - Ecoutez, mon enfant? votre fatale rĂ©putation a plongĂ© dans le deuil la famille de Lucien; on craint, et avec quelque justesse, que vous ne l'entraĂniez dans la dissipation, dans un monde de folies... - C'est vrai, c'est moi qui l'avais amenĂ© au bal pour l'intriguer. - Vous ĂÂȘtes assez belle pour qu'il veuille triompher en vous aux yeux du monde, vous montrer avec orgueil et faire de vous comme un cheval de parade. S'il ne dĂ©pensait que son argent!... mais il dĂ©pensera son temps, sa force; il perdra le goĂ»t des belles destinĂ©es qu'on veut lui faire. Au lieu d'ĂÂȘtre un jour ambassadeur, riche, admirĂ©, glorieux, il aura Ă©tĂ©, comme tant de ces gens dĂ©bauchĂ©s qui ont noyĂ© leurs talents dans la boue de Paris, l'amant d'une femme impure. Quant Ă vous, vous auriez repris plus tard votre premiĂšre vie, aprĂšs ĂÂȘtre un moment montĂ©e dans une sphĂšre Ă©lĂ©gante, car vous n'avez point en vous cette force que donne une bonne Ă©ducation pour rĂ©sister au vice et penser Ă l'avenir. Vous n'auriez pas mieux rompu avec vos compagnes que vous n'avez rompu avec les gens qui vous ont fait honte Ă l'OpĂ©ra, ce matin. Les vrais amis de Lucien, alarmĂ©s de l'amour que vous lui inspirez, ont suivi ses pas, ont tout appris. Pleins d'Ă©pouvante, ils m'ont envoyĂ© vers vous pour sonder vos dispositions et dĂ©cider de votre sort; mais s'ils sont assez puissants pour dĂ©barrasser la voie de ce jeune homme d'une pierre d'achoppement, ils sont misĂ©ricordieux. Sachez-le, ma fille une personne aimĂ©e de Lucien a des droits Ă leur respect, comme un vrai chrĂ©tien adore la fange oĂÂč, par hasard, rayonne la lumiĂšre divine. Je suis venu pour ĂÂȘtre l'organe de la pensĂ©e bienfaisante; mais si je vous eusse trouvĂ©e entiĂšrement perverse, et armĂ©e d'effronterie, d'astuce, corrompue jusqu'Ă la moelle, sourde Ă la voix du repentir, je vous eusse abandonnĂ©e Ă leur colĂšre. Cette libĂ©ration civile et politique, si difficile Ă obtenir, que la Police a raison de tant retarder dans l'intĂ©rĂÂȘt de la SociĂ©tĂ© mĂÂȘme, et que je vous ai entendu souhaiter avec l'ardeur des vrais repentirs, la voici, dit le prĂÂȘtre en tirant de sa ceinture un papier de forme administrative. On vous a vue hier, cette lettre d'avis est datĂ©e d'aujourd'hui vous voyez combien sont puissants les gens que Lucien intĂ©resse. A la vue de ce papier, les tremblements convulsifs que cause un bonheur inespĂ©rĂ© agitĂšrent si ingĂ©nument Esther, qu'elle eut sur les lĂšvres un sourire fixe qui ressemblait Ă celui des insensĂ©s. Le prĂÂȘtre s'arrĂÂȘta, regarda cette enfant pour voir si, privĂ©e de l'horrible force que les gens corrompus tirent de leur corruption mĂÂȘme, et revenue Ă sa frĂÂȘle et dĂ©licate nature primitive, elle rĂ©sisterait Ă tant d'impressions. Courtisane trompeuse, Esther eĂ»t jouĂ© la comĂ©die; mais, redevenue innocente et vraie, elle pouvait mourir, comme un aveugle opĂ©rĂ© peut reperdre la vue en se trouvant frappĂ© par un jour trop vif. Cet homme vit donc en ce moment la nature humaine Ă fond, mais il resta dans un calme terrible par sa fixitĂ© c'Ă©tait une Alpe froide, blanche et voisine du ciel, inaltĂ©rable et sourcilleuse, aux flancs de granit, et cependant bienfaisante. Les filles sont des ĂÂȘtres essentiellement mobiles, qui passent sans raison de la dĂ©fiance la plus hĂ©bĂ©tĂ©e Ă une confiance absolue. Elles sont, sous ce rapport, au-dessous de l'animal. ExtrĂÂȘmes en tout, dans leurs joies, dans leurs dĂ©sespoirs, dans leur religion, dans leur irrĂ©ligion; presque toutes deviendraient folles si la mortalitĂ© qui leur est particuliĂšre ne les dĂ©cimait, et si d'heureux hasards n'Ă©levaient quelques-unes d'entre elles au-dessus de la fange oĂÂč elles vivent. Pour pĂ©nĂ©trer jusqu'au fond des misĂšres de cette horrible vie, il faudrait avoir vu jusqu'oĂÂč la crĂ©ature peut aller dans la folie sans y rester, en admirant la violente extase de la Torpille aux genoux de ce prĂÂȘtre. La pauvre fille regardait le papier libĂ©rateur avec une expression que Dante a oubliĂ©e, et qui surpassait les inventions de son Enfer. Mais la rĂ©action vint avec les larmes. Esther se releva, jeta ses bras autour du cou de cet homme, pencha la tĂÂȘte sur son sein, y versa des pleurs, baisa la rude Ă©toffe qui couvrait ce coeur d'acier, et sembla vouloir y pĂ©nĂ©trer. Elle saisit cet homme, lui couvrit les mains de baisers; elle employa, mais dans une sainte effusion de reconnaissance, les chatteries de ses caresses, lui prodigua les noms les plus doux, lui dit, au travers de ses phrases sucrĂ©es, mille et mille fois "Donnez-le-moi!" avec autant d'intonations diffĂ©rentes; elle l'enveloppa de ses tendresses, le couvrit de ses regards avec une rapiditĂ© qui le saisit sans dĂ©fense; enfin, elle finit par engourdir sa colĂšre. Le prĂÂȘtre connut comment cette fille avait mĂ©ritĂ© son surnom; il comprit combien il Ă©tait difficile de rĂ©sister Ă cette charmante crĂ©ature, il devina tout Ă coup l'amour de Lucien et ce qui devait avoir sĂ©duit le poĂšte. Une passion semblable cache, entre mille attraits, un hameçon lancĂ©olĂ© qui pique surtout l'ĂÂąme Ă©levĂ©e des artistes. Ces passions, inexplicables pour la foule, sont parfaitement expliquĂ©es par cette soif du beau idĂ©al qui distingue les ĂÂȘtres crĂ©ateurs. N'est-ce pas ressembler un peu aux anges chargĂ©s de ramener les coupables Ă des sentiments meilleurs, n'est-ce pas crĂ©er que de purifier un pareil ĂÂȘtre? Quel allĂšchement que de mettre d'accord la beautĂ© morale et la beautĂ© physique! Quelle jouissance d'orgueil, si l'on rĂ©ussit Quelle belle tĂÂąche que celle qui n'a d'autre instrument que l'amour! Ces alliances, illustrĂ©es d'ailleurs par l'exemple d'Aristote, de Socrate, de Platon, d'Alcibiade, de CĂ©thĂ©gus, de PornpĂ©e et si monstrueuses aux yeux du vulgaire, sont fondĂ©es sur le sentiment qui a portĂ© Louis XIV Ă bĂÂątir Versailles, qui jette les hommes dans toutes les entreprises ruineuses convertir les miasmes d'un marais en un monceau de parfums entourĂ© d'eaux vives; mettre un lac sur une colline, comme fit le prince de Conti Ă Nointel, ou les vues de la Suisse Ă Cassan, comme le fermier-gĂ©nĂ©ral Bergeret Enfin c'est l'Art qui fait irruption dans la Morale. Le prĂÂȘtre, honteux d'avoir cĂ©dĂ© Ă cette tendresse, repoussa vivement Esther, qui s'assit honteuse aussi, car il lui dit "Vous ĂÂȘtes toujours courtisane." Et il remit froidement la lettre dans sa ceinture. Comme un enfant qui n'a qu'un dĂ©sir en tĂÂȘte, Esther ne cessa de regarder l'endroit de la ceinture oĂÂč Ă©tait le papier. Le rat devient une madeleine - Mon enfant, reprit le prĂÂȘtre aprĂšs une pause, votre mĂšre Ă©tait juive, et vous n'avez pas Ă©tĂ© baptisĂ©e, mais vous n'avez pas non plus Ă©tĂ© menĂ©e Ă la synagogue vous ĂÂȘtes dans les limbes religieuses oĂÂč sont les petits enfants... - Les petits enfants! rĂ©pĂ©ta-t-elle d'une voix attendrie. - ...Comme vous ĂÂȘtes, dans les cartons de la Police, un chiffre en dehors des ĂÂȘtres sociaux, dit en continuant le prĂÂȘtre impassible. Si l'amour, vu par une Ă©chappĂ©e, vous a fait croire, il y a trois mois, que vous naissiez, vous devez sentir que depuis ce jour vous ĂÂȘtes vraiment en enfance. Il faut donc vous conduire comme si vous Ă©tiez une enfant; vous devez changer entiĂšrement, et je me charge de vous rendre mĂ©connaissable. D'abord, vous oublierez Lucien. La pauvre fille eut le coeur brisĂ© par cette parole; elle leva les yeux sur le prĂÂȘtre et fit un signe de nĂ©gation; elle fut incapable de parler, en retrouvant encore le bourreau dans le sauveur. - Vous renoncerez Ă le voir, du moins, reprit-il. Je vous conduirai dans une maison religieuse oĂÂč les jeunes filles des meilleures familles reçoivent leur Ă©ducation; vous y deviendrez catholique, vous y serez instruite dans la pratique des exercices chrĂ©tiens, vous y apprendrez la religion; vous pourrez en sortir une jeune fille accomplie, chaste, pure, bien Ă©levĂ©e, si... Cet homme leva le doigt et fit une pause. - Si, reprit-il, vous vous sentez la force de laisser ici la Torpille. - Ah! cria la pauvre enfant pour qui chaque parole avait Ă©tĂ© comme la note d'une musique au son de laquelle les portes du paradis se fussent lentement ouvertes, ah! s'il Ă©tait possible de verser ici tout mon sang et d'en prendre un nouveau!... - Ecoutez-moi. Elle se tut. - Votre avenir dĂ©pend de la puissance de votre oubli. Songez Ă l'Ă©tendue de vos obligations une parole, un geste qui dĂ©cĂšlerait la Torpille tue la femme de Lucien; un mot dit en rĂÂȘve, une pensĂ©e involontaire, un regard immodeste, un mouvement d'impatience, un souvenir de dĂ©rĂšglement, une omission, un signe de tĂÂȘte qui rĂ©vĂ©lerait ce que vous savez ou qui a Ă©tĂ© su pour votre malheur... - Allez, allez, mon pĂšre, dit la fille avec une exaltation de sainte, marcher avec des souliers de fer rouge et sourire, vivre vĂÂȘtue d'un corset armĂ© de pointes et conserver la grĂÂące d'une danseuse, manger du pain saupoudrĂ© de cendre, boire de l'absinthe, tout sera doux, facile! Elle retomba sur ses genoux, elle baisa les souliers du prĂÂȘtre, elle y fondit en larmes et les mouilla, elle Ă©treignit les jambes et s'y colla, murmurant des mots insensĂ©s au travers des pleurs que lui causait la joie. Ses beaux et admirables cheveux blonds ruisselĂšrent et firent comme un tapis sous les pieds de ce messager cĂ©leste, qu'elle trouva sombre et dur quand, en se relevant, elle le regarda. - En quoi vous ai-je offensĂ©? dit elle tout effrayĂ©e. J'ai entendu parler d'une femme comme moi qui avait lavĂ© de parfums les pieds de JĂ©sus-Christ. HĂ©las! la vertu m'a faite si pauvre que je n'ai plus que mes larmes Ă vous offrir. - Ne m'avez-vous pas entendu? rĂ©pondit-il d'une voix cruelle. Je vous dis qu'il faut pouvoir sortir de la maison oĂÂč je vous conduirai, si bien changĂ©e au physique et au moral, que nul de ceux ou de celles qui vous ont connue ne puisse vous crier "Esther!" et vous faire retourner la tĂÂȘte. Hier, l'amour ne vous avait pas donnĂ© la force de si bien enterrer la fille de joie qu'elle ne reparĂ»t jamais, elle reparaĂt encore dans une adoration qui ne va qu'Ă Dieu. - Ne vous a-t-il pas envoyĂ© vers moi? Dit-elle. - Si, durant votre Ă©ducation, vous Ă©tiez aperçue de Lucien, tout serait perdu, reprit-il, songez-y bien. - Qui le consolera? dit-elle. - De quoi le consoliez vous? demanda le prĂÂȘtre d'une voix oĂÂč, pour la premiĂšre fois de cette scĂšne, il y eut un tremblement nerveux. - Je ne sais pas, il est souvent venu triste. - Triste? reprit le prĂÂȘtre; il vous a dit pourquoi? - Jamais, rĂ©pondit-elle. - Il Ă©tait triste d'aimer une fille comme vous, s'Ă©cria-t-il. - HĂ©las! il devait l'ĂÂȘtre, reprit-elle avec une humilitĂ© profonde, je suis la crĂ©ature la plus mĂ©prisable de mon sexe, et je ne pouvais trouver grĂÂące Ă ses yeux que par la force de mon amour. - Cet amour doit vous donner le courage de m'obĂ©ir aveuglĂ©ment. Si je vous conduisais immĂ©diatement dans la maison oĂÂč se fera votre Ă©ducation, ici tout le monde dirait Ă Lucien que vous vous ĂÂȘtes en allĂ©e, aujourd'hui dimanche, avec un prĂÂȘtre; il pourrait ĂÂȘtre sur votre voie. Dans huit jours, la portiĂšre, ne me voyant pas revenir, m'aura pris pour ce que je ne suis pas. Donc, un soir, comme d'aujourd'hui en huit, Ă sept heures, vous sortirez furtivement et vous monterez dans un fiacre qui vous attendra en bas de la rue des Frondeurs. Pendant ces huit jours Ă©vitez Lucien; trouvez des prĂ©textes, faites-lui dĂ©fendre la porte, et, quand il viendra, montez chez une amie; je saurai si vous l'avez revu, et, dans ce cas, tout est fini, je ne reviendrai mĂÂȘme pas. Ces huit jours vous sont nĂ©cessaires pour vous faire un trousseau dĂ©cent et pour quitter votre mine de prostituĂ©e, dit-il en dĂ©posant une bourse sur la cheminĂ©e. Il y a dans votre air, dans vos vĂÂȘtements, ce je ne sais quoi si bien connu des Parisiens qui leur dit ce que vous ĂÂȘtes. N'avez-vous jamais rencontrĂ© par les rues, sur les boulevards, une modeste et vertueuse jeune personne marchant en compagnie de sa mĂšre? - Oh! oui, pour mon malheur. La vue d'une mĂšre et de sa fille est un de nos plus grands supplices, elle rĂ©veille des remords cachĂ©s dans les replis de nos coeurs et qui nous dĂ©vorent!... Je ne sais que trop ce qui me manque. - Eh! bien, vous savez comment vous devez ĂÂȘtre dimanche prochain, dit le prĂÂȘtre en se levant. - Oh! dit-elle, apprenez-moi une vraie priĂšre avant de partir, afin que je puisse prier Dieu. C'Ă©tait une chose touchante que de voir ce prĂÂȘtre faisant rĂ©pĂ©ter Ă cette fille l'Ave Maria et le Pater noster en français. - C'est bien beau! dit Esther quand elle eut une fois rĂ©pĂ©tĂ© sans faute ces deux magnifiques et populaires expressions de la foi catholique. - Comment vous nommez-vous? demanda-t-elle au prĂÂȘtre quand il lui dit adieu. - Carlos Herrera, je suis Espagnol et banni de mon pays. Esther lui prit la main et la baisa. Ce n'Ă©tait plus une courtisane, mais un ange qui se relevait d'une chute. Un portrait que Titien eut voulu peindre Dans une maison cĂ©lĂšbre par l'Ă©ducation aristocratique et religieuse qui s'y donne, au commencement du mois de mars de cette annĂ©e, un lundi matin, les pensionnaires aperçurent leur jolie troupe augmentĂ©e d'une nouvelle venue dont la beautĂ© triompha sans contestation, non seulement de ses compagnes, mais des beautĂ©s particuliĂšres qui se trouvaient parfaites chez chacune d'elles. En France, il est extrĂÂȘmement rare pour ne pas dire impossible, de rencontrer les trente fameuses perfections dĂ©crites en vers persans sculptĂ©s, dit-on, dans le sĂ©rail, et qui sont nĂ©cessaires Ă une femme pour ĂÂȘtre entiĂšrement belle. En France, s'il y a peu d'ensemble, il y a de ravissants dĂ©tails. Quant Ă l'ensemble imposant que la statuaire cherche Ă rendre, et qu'elle a rendu dans quelques compositions rares, comme la Diane et la Callipyge, il est le privilĂšge de la GrĂšce et de l'Asie-Mineure. Esther venait de ce berceau du genre humain, la patrie de la beautĂ© sa mĂšre Ă©tait juive. Les juifs, quoique si souvent dĂ©gradĂ©s par leur contact avec les autres peuples, offrent parmi leurs nombreuses tribus des filons oĂÂč s'est conservĂ© le type sublime des beautĂ©s asiatiques. Quand ils ne sont pas d'une laideur repoussante, ils prĂ©sentent le magnifique caractĂšre des figures armĂ©niennes. Esther eĂ»t remportĂ© le prix au sĂ©rail, elle possĂ©dait les trente beautĂ©s harmonieusement fondues. Loin de porter atteinte au fini des formes, Ă la fraĂcheur de l'enveloppe, son Ă©trange vie lui avait communiquĂ© le je ne sais quoi de la femme ce n'est plus le tissu lisse et serrĂ© des fruits verts, et ce n'est pas encore le ton chaud de la maturitĂ©, il y a de la fleur encore. Quelques jours de plus passĂ©s dans la dissolution, elle serait arrivĂ©e Ă l'embonpoint. Cette richesse de santĂ©, cette perfection de l'animal chez une crĂ©ature Ă qui la voluptĂ© tenait lieu de la pensĂ©e doit ĂÂȘtre un fait Ă©minent aux yeux des physiologistes. Par une circonstance rare, pour ne pas dire impossible chez les trĂšs jeunes filles, ses mains, d'une incomparable noblesse, Ă©taient molles, transparentes et blanches comme les mains d'une femme en couches de son second enfant. Elle avait exactement le pied et les cheveux si justement cĂ©lĂšbres de la duchesse de Berri, des cheveux qu'aucune main de coiffeur ne pouvait tenir, tant ils Ă©taient abondants, et si longs, qu'en tombant Ă terre ils y formaient des anneaux, car Esther possĂ©dait cette moyenne taille qui permet de faire d'une femme une sorte de joujou, de la prendre, quitter, reprendre et porter sans fatigue. Sa peau fine comme du papier de Chine et d'une chaude couleur d'ambre nuancĂ©e par des veines rouges, Ă©tait luisante sans sĂ©cheresse, douce sans moiteur. Nerveuse Ă l'excĂšs, mais dĂ©licate en apparence, Esther attirait soudain l'attention par un trait remarquable dans les figures que le dessin de RaphaĂl a le plus artistement coupĂ©es, car RaphaĂl est le peintre qui a le plus Ă©tudiĂ©, le mieux rendu la beautĂ© juive. Ce trait merveilleux Ă©tait produit par la profondeur de l'arcade sous laquelle l'oeil roulait comme dĂ©gagĂ© de son cadre, et dont la courbe ressemblait par sa nettetĂ© l'arĂÂȘte d'une voĂ»te. Quand la jeunesse revĂÂȘt de ses teintes pures et diaphanes ce bel arc, surmontĂ© de sourcils Ă racines perdues; quand la lumiĂšre en se glissant dans le sillon circulaire de dessous, y reste d'un rose clair, il y a lĂ des trĂ©sors de tendresse Ă contenter un amant, des beautĂ©s dĂ©sespĂ©rer la peinture. C'est le dernier effort de la nature que ces plis lumineux oĂÂč l'ombre prend des teintes dorĂ©es, que ce tissu qui a la consistance d'un nerf et la flexibilitĂ© de la plus dĂ©licate membrane. L'oeil au repos est lĂ -dedans comme un oeuf miraculeux dans un nid de brins de soie. Mais plus tard cette merveille devient d'une horrible mĂ©lancolie, quand les passions ont charbonnĂ© ces contours si dĂ©liĂ©s, quand les douleurs ont ridĂ© ce rĂ©seau de fibrilles. L'origine d'Esther se trahissait dans cette coupe orientale de ses yeux Ă paupiĂšres turques, et dont la couleur Ă©tait un gris d'ardoise qui contractait, aux lumiĂšres, la teinte bleue des ailes noires du corbeau. L'excessive tendresse de son regard pouvait seule en adoucir l'Ă©clat. Il n'y a que les races venues des dĂ©serts qui possĂšdent dans l'oeil le pouvoir de la fascination sur tous, car une femme fascine toujours quelqu'un. Leurs yeux retiennent sans doute quelque chose de l'infini qu'ils ont contemplĂ©. La nature, dans sa prĂ©voyance, a-t-elle donc armĂ© leurs rĂ©tines de quelque tapis rĂ©flecteur, pour leur permettre de soutenir le mirage des sables, les torrents du soleil et l'ardent cobalt de l'Ă©ther? ou les ĂÂȘtres humains prennent-ils, comme les autres, quelque chose aux milieux dans lesquels ils se dĂ©veloppent, et gardent-ils pendant des siĂšcles les qualitĂ©s qu'ils en tirent! Cette grande solution du problĂšme des races est peut-ĂÂȘtre dans la question elle-mĂÂȘme a. Les instincts sont des faits vivants dont la cause gĂt dans une nĂ©cessitĂ© subie. Les variĂ©tĂ©s animales sont le rĂ©sultat de l'exercice de ces instincts. Pour se convaincre de cette vĂ©ritĂ© tant cherchĂ©e, il suffit d'Ă©tendre aux troupeaux d'hommes l'observation rĂ©cemment faite sur les troupeaux de moutons espagnols et anglais qui, dans les prairies de plaines oĂÂč l'herbe abonde, paissent serrĂ©s les uns contre les autres, et se dispersent sur les montagnes oĂÂč l'herbe est rare. Arrachez Ă leurs pays ces deux espĂšces de moutons, transportez-les en Suisse ou en France le mouton de montagne y paĂtra sĂ©parĂ©, quoique dans une prairie basse et touffue; les moutons de plaine y paĂtront l'un contre l'autre, quoique sur une Alpe. Plusieurs gĂ©nĂ©rations rĂ©forment Ă peine les instincts acquis et transmis. A cent ans de distance, l'esprit de la montagne reparaĂt dans un agneau rĂ©fractaire, comme, aprĂšs dix-huit cents ans de bannissement, l'Orient brillait dans les yeux et dans la figure d'Esther. Ce regard n'exerçait point de fascination terrible, il jetait une douce chaleur, il attendrissait sans Ă©tonner, et les plus dures volontĂ©s se fondaient sous sa flamme. Esther avait vaincu la haine, elle avait Ă©tonnĂ© les dĂ©pravĂ©s de Paris, enfin ce regard et la douceur de sa peau suave lui avaient mĂ©ritĂ© le surnom terrible qui venait de lui faire prendre sa mesure dans la tombe. Tout, chez elle, Ă©tait en harmonie avec ces caractĂšres de la pĂ©ri des sables ardents. Elle avait le front ferme et d'un dessin fier. Son nez, comme celui des Arabes, Ă©tait fin, mince, Ă narines ovales, bien placĂ©es, retroussĂ©es sur les bords. Sa bouche rouge et fraĂche Ă©tait une rose qu'aucune flĂ©trissure ne dĂ©parait, les orgies n'y avaient point laissĂ© de traces. Le menton, modelĂ© comme si quelque sculpteur amoureux en eĂ»t poli le contour, avait la blancheur du lait. Une seule chose Ă laquelle elle n'avait pu remĂ©dier trahissait la courtisane tombĂ©e trop bas ses ongles dĂ©chirĂ©s qui voulaient du temps pour reprendre une forme Ă©lĂ©gante, tant ils avaient Ă©tĂ© dĂ©formĂ©s par les soins les plus vulgaires du mĂ©nage. Les jeunes pensionnaires commencĂšrent par jalouser ces miracles de beautĂ©, mais elles finirent par les admirer. La premiĂšre semaine ne se passa point sans qu'elles se fussent attachĂ©es Ă la naĂÂŻve Esther, car elles s'intĂ©ressĂšrent aux secrets malheurs d'une fille de dix-huit ans qui ne savait ni lire ni Ă©crire, Ă qui toute science, toute instruction Ă©tait nouvelle, et qui allait procurer Ă l'archevĂÂȘque la gloire de la conversion d'une Juive au catholicisme, au couvent la fĂÂȘte de son baptĂÂȘme. Elles lui pardonnĂšrent sa beautĂ© en se trouvant supĂ©rieures Ă elle par l'Ă©ducation. Esther eut bientĂÂŽt pris les maniĂšres, la douceur de voix, le port et les attitudes de ces filles si distinguĂ©es; enfin elle retrouva sa nature premiĂšre. Le changement devint si complet que, Ă sa premiĂšre visite, Herrera fut surpris, lui que rien au monde ne paraissait devoir surprendre, et les supĂ©rieures le complimentĂšrent sur sa pupille. Ces femmes n'avaient jamais, dans leur carriĂšre d'enseignement, rencontrĂ© naturel plus aimable, douceur plus chrĂ©tienne, modestie plus vraie, ni si grand dĂ©sir d'apprendre. Lorsqu'une fille a souffert les maux qui avaient accablĂ© la pauvre pensionnaire et qu'elle attend une rĂ©compense comme celle que l'Espagnol offrait Ă Esther, il est difficile qu'elle ne rĂ©alise pas ces miracles des premiers jours de l'Eglise que les JĂ©suites renouvelĂšrent au Paraguay. - Elle est Ă©difiante, dit la supĂ©rieure en la baisant au front. Ce mot, essentiellement catholique, dit tout. Une nostalgie Pendant les rĂ©crĂ©ations, Esther questionnait avec mesure ses compagnes sur les choses du monde les plus simples, et qui pour elle Ă©taient comme les premiers Ă©tonnements de la vie pour un enfant. Quand elle sut qu'elle serait habillĂ©e de blanc le jour de son baptĂÂȘme et de sa premiĂšre communion, qu'elle aurait un bandeau de satin blanc, des rubans blancs, des souliers blancs, des gants blancs; qu'elle serait coiffĂ©e de noeuds blancs, elle fondit en larmes au milieu de ses compagnes Ă©tonnĂ©es. C'Ă©tait le contraire de la scĂšne de JephtĂ© sur la montagne. La courtisane eut peur d'ĂÂȘtre comprise, elle rejeta cette horrible mĂ©lancolie sur la joie que ce spectacle lui causait par avance. Comme il y a certes aussi loin des moeurs qu'elle quittait aux moeurs qu'elle prenait qu'il y a de distance entre l'Ă©tat sauvage et la civilisation, elle avait la grĂÂące et la naĂÂŻvetĂ©, la profondeur, qui distinguent la merveilleuse hĂ©roĂÂŻne des Puritains d'AmĂ©rique. Elle avait aussi, sans le savoir elle-mĂÂȘme, un amour au coeur qui la rongeait, un amour Ă©trange, un dĂ©sir plus violent chez elle qui savait tout, qu'il ne l'est chez une vierge qui ne sait rien, quoique ces deux dĂ©sirs eussent la mĂÂȘme cause et la mĂÂȘme fin. Pendant les premiers mois a, la nouveautĂ© d'une vie recluse, les surprises de l'enseignement, les travaux qu'on lui apprenait, les pratiques de la religion, la ferveur d'une sainte rĂ©solution, la douceur des affections qu'elle inspirait, enfin l'exercice des facultĂ©s de l'intelligence rĂ©veillĂ©e, tout lui servit Ă comprimer ses souvenirs, mĂÂȘme les efforts de la nouvelle mĂ©moire qu'elle se faisait; car elle avait autant Ă dĂ©sapprendre qu'Ă apprendre. Il existe en nous plusieurs mĂ©moires; le corps, l'esprit ont chacun la leur; et la nostalgie, par exemple, est une maladie de la mĂ©moire physique. Pendant le troisiĂšme mois, la violence de cette ĂÂąme vierge, qui tendait Ă pleines ailes vers le paradis, fut donc, non pas domptĂ©e, mais entravĂ©e par une sourde rĂ©sistance dont la cause Ă©tait ignorĂ©e d'Esther elle-mĂÂȘme. Comme les moutons d'Ecosse, elle voulait paĂtre Ă l'Ă©cart, elle ne pouvait vaincre les instincts dĂ©veloppĂ©s par la dĂ©bauche. Les rues boueuses de Paris qu'elle avait abjurĂ©es la rappelaient-elles? Les chaĂnes de ses horribles habitudes rompues tenaient-elles Ă elle par des scellements oubliĂ©s, et les sentait-elle comme, selon les mĂ©decins, les vieux soldats souffrent encore dans les membres qu'ils n'ont plus? Les vices et leurs excĂšs avaient-ils si bien pĂ©nĂ©trĂ© jusqu'Ă sa moelle que les eaux saintes n'atteignaient pas encore le dĂ©mon cachĂ© lĂ ? La vue de celui pour qui s'accomplissaient tant d'efforts angĂ©liques Ă©tait-elle nĂ©cessaire Ă celle Ă qui Dieu devait pardonner de mĂÂȘler l'amour humain Ă l'amour sacrĂ©? L'un l'avait conduite Ă l'autre. Se faisait-il en elle un dĂ©placement de la force vitale, et qui entraĂnait des souffrances nĂ©cessaires? Tout est doute et tĂ©nĂšbres dans une situation que la science a dĂ©daignĂ© d'examiner en trouvant le sujet trop immoral et trop compromettant, comme si le mĂ©decin et l'Ă©crivain, le prĂÂȘtre et le politique n'Ă©taient pas au-dessus du soupçon. Cependant un mĂ©decin arrĂÂȘtĂ© par la mort a eu le courage de commencer des Ă©tudes laissĂ©es incomplĂštes. Peut-ĂÂȘtre la noire mĂ©lancolie Ă laquelle Esther fut en proie, et qui obscurcissait sa vie heureuse, participait-elle de toutes ces causes; et incapable de les deviner, peut-ĂÂȘtre souffrait-elle comme souffrent les malades qui ne connaissent ni la mĂ©decine ni la chirurgie. Le fait est bizarre. Une nourriture abondante et saine substituĂ©e Ă une dĂ©testable nourriture inflammatoire ne sustentait pas Esther. Une vie pure et rĂ©guliĂšre, partagĂ©e en travaux modĂ©rĂ©s exprĂšs et en rĂ©crĂ©ations, mise Ă la place d'une vie dĂ©sordonnĂ©e oĂÂč les plaisirs Ă©taient aussi horribles que les peines, cette vie brisait la jeune pensionnaire. Le repos le plus frais, les nuits calmes qui remplaçaient des fatigues Ă©crasantes et les agitations les plus cruelles, donnaient une fiĂšvre dont les symptĂÂŽmes Ă©chappaient au doigt et Ă l'oeil de l'infirmiĂšre. Enfin, le bien, le bonheur succĂ©dant au mal et Ă l'infortune, la sĂ©curitĂ© Ă l'inquiĂ©tude, Ă©taient aussi funestes Ă Esther que ses misĂšres passĂ©es l'eussent Ă©tĂ© Ă ses jeunes compagnes. ImplantĂ©e dans la corruption, elle s'y Ă©tait dĂ©veloppĂ©e. Sa patrie infernale exerçait encore son empire, malgrĂ© les ordres souverains d'une volontĂ© absolue. Ce qu'elle haĂÂŻssait Ă©tait pour elle la vie a, ce qu'elle aimait la tuait. Elle avait une si ardente foi que sa piĂ©tĂ© rĂ©jouissait l'ĂÂąme. Elle aimait Ă prier. Elle avait ouvert son ĂÂąme aux clartĂ©s de la vraie religion, qu'elle recevait sans efforts, sans doutes. Le prĂÂȘtre qui la dirigeait Ă©tait dans le ravissement, mais chez elle le corps contrariait l'ĂÂąme Ă tout moment. On prit des carpes Ă un Ă©tang bourbeux pour les mettre dans un bassin de marbre et dans de belles eaux claires, afin de satisfaire un dĂ©sir de madame de Maintenon qui les nourrissait des bribes de la table royale. Les carpes dĂ©pĂ©rissaient. Les animaux peuvent ĂÂȘtre dĂ©vouĂ©s, mais l'homme ne leur communiquera jamais la lĂšpre de la flatterie. Un courtisan remarqua cette muette opposition dans Versailles. "Elles sont comme moi, rĂ©pliqua cette reine inĂ©dite, elles regrettent leurs vases obscures." Ce mot est toute l'histoire d'Esther. Par moments, la pauvre fille Ă©tait poussĂ©e Ă courir dans les magnifiques jardins du couvent, elle allait affairĂ©e d'arbre en arbre, elle se jetait dĂ©sespĂ©rĂ©ment aux coins obscurs en y cherchant, quoi? elle ne le savait pas, mais elle succombait au dĂ©mon, elle coquetait avec les arbres, elle leur disait des paroles qu'elle ne prononçait point. Elle se coulait parfois le long des murs, le soir, comme une couleuvre, sans chĂÂąle, les Ă©paules nues. Souvent Ă la chapelle, durant les offices, elle restait les yeux fixĂ©s sur le crucifix, et chacun l'admirait, les larmes la gagnaient; mais elle pleurait de rage; au lieu des images sacrĂ©es qu'elle voulait voir, les nuits flamboyantes oĂÂč elle conduisait l'orgie comme Habeneck conduit au Conservatoire une symphonie de Beethoven, ces nuits rieuses et lascives, coupĂ©es de mouvements nerveux, de rires inextinguibles, se dressaient Ă©chevelĂ©es, furieuses, brutales. Elle Ă©tait au-dehors suave comme une vierge qui ne tient Ă la terre que par sa forme fĂ©minine, au dedans s'agitait une impĂ©riale Messaline. Elle seule Ă©tait dans le secret de ce combat du dĂ©mon contre l'ange; quand la supĂ©rieure la grondait d'ĂÂȘtre plus artistement coiffĂ©e que la rĂšgle ne le voulait, elle changeait sa coiffure avec une adorable et prompte obĂ©issance, elle Ă©tait prĂÂȘte Ă couper ses cheveux si sa mĂšre le lui eĂ»t ordonnĂ©. Cette nostalgie avait une grĂÂące touchante dans une fille qui aimait mieux pĂ©rir que de retourner aux pays impurs. Elle pĂÂąlit, changea, maigrit. La supĂ©rieure modĂ©ra l'enseignement, et prit cette intĂ©ressante crĂ©ature auprĂšs d'elle pour la questionner. Esther Ă©tait heureuse, elle se plaisait infiniment avec ses compagnes; elle ne se sentait attaquĂ©e en aucune partie vitale, mais sa vitalitĂ© Ă©tait essentiellement attaquĂ©e. Elle ne regrettait rien, elle ne dĂ©sirait rien. La supĂ©rieure, Ă©tonnĂ©e des rĂ©ponses de sa pensionnaire, ne savait que penser en la voyant en proie Ă une langueur dĂ©vorante. Le mĂ©decin fut appelĂ© lorsque l'Ă©tat de la jeune pensionnaire parut grave, mais ce mĂ©decin ignorait la vie antĂ©rieure d'Esther et ne pouvait la soupçonner; il trouva la vie partout, la souffrance n'Ă©tait nulle part. La malade rĂ©pondit Ă renverser toutes les hypothĂšses. Restait une maniĂšre d'Ă©claircir les doutes du savant qui s'attachait Ă une affreuse idĂ©e Esther refusa trĂšs obstinĂ©ment de se prĂÂȘter Ă l'examen du mĂ©decin. La supĂ©rieure en appela, dans ce danger, Ă l'abbĂ© Herrera. L'Espagnol vint, vit l'Ă©tat dĂ©sespĂ©rĂ© d'Esther, et causa pendant un moment Ă l'Ă©cart avec le docteur. AprĂšs cette confidence, l'homme de science dĂ©clara Ă l'homme de foi que le seul remĂšde Ă©tait un voyage en Italie. L'abbĂ© ne voulut pas que ce voyage se fit avant le baptĂÂȘme et la premiĂšre communion d'Esther. - Combien faut-il de temps encore? demanda le mĂ©decin. - Un mois, rĂ©pondit la supĂ©rieure. - Elle sera morte, rĂ©pliqua le docteur. - Oui, mais en Ă©tat de grĂÂące et sauvĂ©e, dit l'abbĂ©. La question religieuse domine en Espagne les questions politiques, civiles et vitales; le mĂ©decin ne rĂ©pliqua donc rien Ă l'Espagnol, il se tourna vers la supĂ©rieure; mais le terrible abbĂ© le prit alors par le bras pour l'arrĂÂȘter. - Pas un mot, monsieur! dit-il. Le mĂ©decin, quoique religieux et monarchique, jeta sur Esther un regard plein de pitiĂ© tendre. Cette fille Ă©tait belle comme un lis penchĂ© sur sa tige. - A la grĂÂące de Dieu, donc! s'Ă©cria-t-il en sortant. Le jour mĂÂȘme de cette consultation, Esther fut emmenĂ©e par son protecteur au Rocher-de-Cancale, car le dĂ©sir de la sauver avait suggĂ©rĂ© les plus Ă©tranges expĂ©dients Ă ce prĂÂȘtre; il essaya de deux excĂšs un excellent dĂner qui pouvait rappeler Ă la pauvre fille ses orgies, l'OpĂ©ra qui lui prĂ©senterait quelques images mondaines. Il fallut son Ă©crasante autoritĂ© pour dĂ©cider la jeune sainte Ă de telles profanations. Herrera se dĂ©guisa si complĂštement en militaire qu'Esther eut peine Ă le reconnaĂtre; il eut soin de faire prendre un voile Ă sa compagne, et la plaça dans une loge oĂÂč elle put ĂÂȘtre cachĂ©e aux regards. Ce palliatif, sans danger pour une innocence si sĂ©rieusement reconquise, fut promptement Ă©puisĂ©. La pensionnaire Ă©prouva du dĂ©goĂ»t pour les dĂners de son protecteur, une rĂ©pugnance religieuse pour le thĂ©ĂÂątre, et retomba dans sa mĂ©lancolie. - Elle meurt d'amour pour Lucien, se dit Herrera qui voulut sonder la profondeur de cette ĂÂąme et savoir tout ce qu'on en pouvait exiger. Il vint donc un moment oĂÂč cette pauvre fille n'Ă©tait plus soutenue que par sa force morale, et oĂÂč le corps allait cĂ©der. Le prĂÂȘtre calcula ce moment avec l'affreuse sagacitĂ© pratique apportĂ©e autrefois par les bourreaux dans leur art de donner la question. Il trouva sa pupille au jardin, assise sur un banc, le long d'une treille que caressait le soleil d'avril; elle paraissait avoir froid et s'y rĂ©chauffer; ses camarades regardaient avec intĂ©rĂÂȘt sa pĂÂąleur d'herbe flĂ©trie, ses yeux de gazelle mourante, sa pose mĂ©lancolique. Esther se leva pour aller au devant de l'Espagnol par un mouvement qui montra combien elle avait peu de vie, et, disons-le, peu de goĂ»t pour la vie. Cette pauvre BohĂ©mienne, cette fauve hirondelle blessĂ©e excita pour la seconde fois la pitiĂ© de Carlos Herrera. Ce sombre ministre, que Dieu ne devait employer qu'Ă l'accomplissement de ses vengeances, accueillit la malade par un sourire qui exprimait autant d'amertume que de douceur, autant de vengeance que de charitĂ©. Instruite Ă la mĂ©ditation, Ă des retours sur elle-mĂÂȘme depuis sa vie quasi monastique, Esther Ă©prouva, pour la seconde fois, un sentiment de dĂ©fiance Ă la vue de son protecteur; mais, comme Ă la premiĂšre, elle fut aussitĂÂŽt rassurĂ©e par sa parole. - Eh! bien, ma chĂšre enfant, disait-il, pourquoi ne m'avez-vous jamais parlĂ© de Lucien? - Je vous avais promis, rĂ©pondit-elle en tressaillant de la tĂÂȘte aux pieds par un mouvement convulsif, je vous avais jurĂ© de ne point prononcer ce nom. - Vous n'avez cependant pas cessĂ© de penser Ă lui. - LĂ , monsieur, est ma seule faute. A toute heure je pense Ă lui, et quand vous vous ĂÂȘtes montrĂ©, je me disais Ă moi-mĂÂȘme ce nom. - L'absence vous tue? Pour toute rĂ©ponse, Esther inclina la tĂÂȘte Ă la maniĂšre des malades qui sentent dĂ©jĂ l'air de la tombe. - Le revoir?... dit-il - Ce serait vivre, rĂ©pondit-elle. - Pensez-vous Ă lui d'ĂÂąme seulement? - Ah! monsieur, l'amour ne se partage point. - Fille de la race maudite! j'ai fait tout pour te sauver, je te rends Ă ta destinĂ©e tu le reverras! - Pourquoi donc injuriez-vous mon bonheur? Ne puis-je aimer Lucien et pratiquer la vertu, que j'aime autant que je l'aime? Ne suis-je pas prĂÂȘte Ă mourir ici pour elle, comme je serais prĂÂȘte Ă mourir pour lui? Ne vais-je pas expirer pour ces deux fanatismes, pour la vertu qui me rendait digne de lui, pour lui qui m'a jetĂ©e dans les bras de la vertu? Oui, prĂÂȘte Ă mourir sans le revoir, prĂÂȘte Ă vivre en le revoyant. Dieu me jugera. Ses couleurs Ă©taient revenues, sa pĂÂąleur avait pris une teinte dorĂ©e. Esther eut encore une fois sa grĂÂące. - Le lendemain du jour oĂÂč vous vous serez lavĂ©e dans les eaux du baptĂÂȘme, vous reverrez Lucien, et si vous croyez pouvoir vivre vertueuse en vivant pour lui, vous ne vous sĂ©parerez plus. Le prĂÂȘtre fut obligĂ© de relever Esther, dont les genoux avaient pliĂ©. La pauvre fille Ă©tait tombĂ©e comme si la terre eĂ»t manquĂ© sous ses pieds, l'abbĂ© l'assit sur le banc, et quand elle retrouva la parole, elle lui dit "Pourquoi pas aujourd'hui?" - Voulez-vous dĂ©rober Ă Monseigneur le triomphe de votre baptĂÂȘme et de votre conversion? Vous ĂÂȘtes trop prĂšs de Lucien pour n'ĂÂȘtre pas loin de Dieu. - Oui je ne pensais plus Ă rien l - Vous ne serez jamais d'aucune religion, dit le prĂÂȘtre avec un mouvement de profonde ironie. - Dieu est bon, reprit-elle, il lit dans mon coeur. Vaincu par la dĂ©licieuse naĂÂŻvetĂ© qui Ă©clatait dans la voix, le regard, les gestes et l'attitude d'Esther, Herrera l'embrassa sur le front pour la premiĂšre fois. - Les libertins t'avaient bien nommĂ©e tu sĂ©duiras Dieu le pĂšre. Encore quelques jours, il le faut, et aprĂšs, vous serez libres tous deux. - Tous deux! RĂ©pĂ©ta-t-elle avec une joie extatique. Cette scĂšne, vue Ă distance, frappa les pensionnaires et les supĂ©rieures, qui crurent avoir assistĂ© Ă quelque opĂ©ration magique, en comparant Esther Ă elle-mĂÂȘme. L'enfant toute changĂ©e vivait. Elle reparut dans sa vraie nature d'amour, gentille, coquette, agaçante, gaie; enfin elle ressuscita! Beaucoup de rĂ©flexions Herrera demeurait rue Cassette, prĂšs de Saint-Sulpice, Ă©glise Ă laquelle il s'Ă©tait attachĂ©. Cette Ă©glise, d'un style dur et sec, allait Ă cet Espagnol dont la religion tenait de celle des Dominicains. Enfant perdu de la politique astucieuse de Ferdinand VII, il desservait la cause constitutionnelle, en sachant que ce dĂ©vouement ne pourrait jamais ĂÂȘtre rĂ©compensĂ© qu'au rĂ©tablissement du Rey netto. Et Carlos Herrera s'Ă©tait donnĂ© corps et ĂÂąme Ă la camarilla au moment oĂÂč les CortĂšs ne paraissaient pas devoir ĂÂȘtre renversĂ©es. Pour le monde, cette conduite annonçait une ĂÂąme supĂ©rieure. L'expĂ©dition du duc d'AngoulĂÂȘme avait eu lieu, le roi Ferdinand rĂ©gnait, et Carlos Herrera n'allait pas rĂ©clamer le prix de ses services Ă Madrid. DĂ©fendu contre la curiositĂ© par un silence diplomatique, il donna pour cause Ă son sĂ©jour Ă Paris, sa vive affection pour Lucien de RubemprĂ©, et Ă laquelle ce jeune homme devait dĂ©jĂ l'ordonnance du Roi relative Ă son changement de nom. Herrera vivait d'ailleurs comme vivent traditionnellement les prĂÂȘtres employĂ©s Ă des missions secrĂštes, fort obscurĂ©ment. Il accomplissait ses devoirs religieux Ă Saint-Suplice, ne sortait que pour affaires, toujours le soir et en voiture. La journĂ©e Ă©tait remplie pour lui par la sieste espagnole, qui place le sommeil entre les deux repas, et prend ainsi tout le temps pendant lequel Paris est tumultueux et affairĂ©. Le cigare espagnol jouait aussi son rĂÂŽle, et consumait autant de temps que de tabac. La paresse est un masque aussi bien que la gravitĂ©, qui est encore de la paresse. Herrera demeurait dans une aile de la maison, au second Ă©tage, et Lucien occupait l'autre aile. Ces deux appartements Ă©taient Ă la fois sĂ©parĂ©s et rĂ©unis par un grand appartement de rĂ©ception dont la magnificence antique convenait Ă©galement au grave ecclĂ©siastique et au jeune poĂšte. La cour de cette maison Ă©tait sombre. De grands arbres touffus ombrageaient le jardin. Le silence et la discrĂ©tion se rencontrent dans les habitations choisies par les prĂÂȘtres. Le logement d'Herrera sera dĂ©crit en deux mots une cellule. Celui de Lucien, brillant de luxe et muni des recherches du confort, rĂ©unissait tout ce qu'exige la vie Ă©lĂ©gante d'un dandy, poĂšte, Ă©crivain, ambitieux, vicieux, Ă la fois orgueilleux et vaniteux, plein de nĂ©gligence et souhaitant l'ordre, un de ces gĂ©nies incomplets qui ont quelque puissance pour dĂ©sirer, pour concevoir, ce qui est peut-ĂÂȘtre la mĂÂȘme chose, mais qui n'ont aucune force pour exĂ©cuter. A eux deux, Lucien et Herrera formaient un politique. LĂ sans doute Ă©tait le secret de cette union. Les vieillards chez qui l'action de la vie s'est dĂ©placĂ©e et s'est transportĂ©e dans la sphĂšre des intĂ©rĂÂȘts, sentent souvent le besoin d'une jolie machine, d'un acteur jeune et passionnĂ© pour accomplir leurs projets. Richelieu chercha trop tard une belle et blanche figure Ă moustaches pour la jeter aux femmes qu'il devait amuser. Incompris par de jeunes Ă©tourdis, il fut obligĂ© de bannir la mĂšre de son maĂtre et d'Ă©pouvanter la reine, aprĂšs avoir essayĂ© de se faire aimer de l'une et de l'autre, sans ĂÂȘtre de taille Ă plaire Ă des reines. Quoi qu'on fasse, il faut toujours, dans une vie ambitieuse, se heurter contre une femme au moment oĂÂč l'on s'attend le moins Ă pareille rencontre. Quelque puissant que soit un grand politique, il lui faut une femme Ă opposer Ă la femme, de mĂÂȘme que les Hollandais usent le diamant par le diamant. Rome, au moment de sa puissance, obĂ©issait Ă cette nĂ©cessitĂ©. Voyez aussi comme la vie de Mazarin, cardinal italien, fut autrement dominatrice que celle de Richelieu, cardinal français? Richelieu trouve une opposition chez les grands seigneurs, il y met la hache; il meurt Ă la fleur de son pouvoir, usĂ© par ce duel oĂÂč il n'avait qu'un capucin pour second. Mazarin est repoussĂ© par la Bourgeoisie et par la Noblesse rĂ©unies, armĂ©es, parfois victorieuses, et qui font fuir la royautĂ©; mais le serviteur d'Anne d'Autriche n'ĂÂŽte la tĂÂȘte Ă personne, sait vaincre la France entiĂšre et forme Louis XIV, qui acheva l'oeuvre de Richelieu en Ă©tranglant la Noblesse avec des lacets dorĂ©s dans le grand sĂ©rail de Versailles. Madame de Pompadour morte, Choiseul est perdu. Herrera s'Ă©tait-il pĂ©nĂ©trĂ© de ces hautes doctrines? S'Ă©tait-il rendu justice Ă lui-mĂÂȘme plus tĂÂŽt que ne l'avait fait Richelieu? Avait-il choisi dans Lucien un Cinq-Mars, mais un Cinq-Mars fidĂšle? Personne ne pouvait rĂ©pondre Ă ces questions ni mesurer l'ambition de cet Espagnol comme on ne pouvait prĂ©voir quelle serait sa fin. Ces questions faites par ceux qui purent jeter un regard sur cette union, pendant longtemps secrĂšte, tendaient Ă percer un mystĂšre horrible que Lucien ne connaissait que depuis quelques jours. Carlos Ă©tait ambitieux pour deux, voilĂ ce que sa conduite dĂ©montrait aux personnages qui le connaissaient, et qui tous croyaient que Lucien Ă©tait l'enfant naturel de ce prĂÂȘtre. Quinze mois aprĂšs son apparition Ă l'OpĂ©ra, qui le jeta trop tĂÂŽt dans un monde oĂÂč l'abbĂ© ne voulait le voir qu'au moment oĂÂč il aurait achevĂ© de l'armer contre le monde, Lucien avait trois beaux chevaux dans son Ă©curie, un coupĂ© pour le soir, un cabriolet et un tilbury pour le matin. Il mangeait en ville. Les PrĂ©visions d'Herera s'Ă©taient rĂ©alisĂ©es la dissipation s'Ă©tait emparĂ©e de son Ă©lĂšve, mais il avait jugĂ© nĂ©cessaire de faire diversion Ă l'amour insensĂ© que ce jeune homme gardait au coeur pour Esther. AprĂšs avoir dĂ©pensĂ© quarante mille francs environ, chaque folie avait ramenĂ© Lucien plus vivement Ă la Torpille, il la cherchait avec obstination; et, ne la trouvant pas, elle devenait pour lui ce qu'est le gibier pour le chasseur. Herrera pouvait-il connaĂtre la nature de l'amour d'un poĂšte? Une fois que ce sentiment a gagnĂ© chez un de ces grands petits hommes la tĂÂȘte, comme il a embrasĂ© le coeur et pĂ©nĂ©trĂ© les sens, ce poĂšte devient aussi supĂ©rieur Ă l'humanitĂ© par l'amour qu'il l'est par la puissance de sa fantaisie. Devant Ă un caprice de la gĂ©nĂ©ration intellectuelle la facultĂ© rare d'exprimer la nature par des images oĂÂč il empreint Ă la fois le sentiment et l'idĂ©e, il donne Ă son amour les ailes de son esprit - il sent et il peint, il agit et mĂ©dite, il multiplie ses sensations par la pensĂ©e, il triple la fĂ©licitĂ© prĂ©sente par l'aspiration de l'avenir et par les souvenances du passĂ©; il y mĂÂȘle les exquises jouissances d'ĂÂąme qui le rendent le prince des artistes. La passion d'un poĂšte devient alors un grand poĂšme oĂÂč souvent les proportions humaines sont dĂ©passĂ©es. Le poĂšte ne met-il pas alors sa maĂtresse beaucoup plus haut que les femmes ne veulent ĂÂȘtre logĂ©es? Il change, comme le sublime chevalier de la Manche, une fille des champs en princesse. Il use pour lui-mĂÂȘme de la baguette avec laquelle il touche toute chose pour la faire merveilleuse, et il grandit ainsi les voluptĂ©s par l'adorable monde de l'idĂ©al. Aussi cet amour est-il un modĂšle de passion il est excessif en tout, dans ses espĂ©rances, dans ses dĂ©sespoirs, dans ses colĂšres, dans ses mĂ©lancolies, dans ses joies; il vole, il bondit, il rampe, il ne ressemble Ă aucune des agitations qu'Ă©prouve le commun des hommes; il est Ă l'amour bourgeois ce qu'est l'Ă©ternel torrent des Alpes aux ruisseaux des plaines. Ces beaux gĂ©nies sont si rarement compris qu'ils se dĂ©pensent en faux espoirs, ils se consument Ă la recherche de leurs idĂ©ales maĂtresses, ils meurent presque toujours comme de beaux insectes parĂ©s Ă plaisir pour les fĂÂȘtes de l'amour par la plus poĂ©tique des natures et qui sont Ă©crasĂ©s vierges sous le pied d'un passant; mais, autre danger! lorsqu'ils rencontrent la forme qui rĂ©pond Ă leur esprit et qui souvent est une boulangĂšre, ils font comme RaphaĂl, ils font comme le bel insecte ils meurent auprĂšs de la Fornarina. Lucien en Ă©tait lĂ . Sa nature poĂ©tique, nĂ©cessairement extrĂÂȘme en tout, en bien comme en mal, avait devinĂ© l'ange dans la fille, plutĂÂŽt frottĂ©e de corruption que corrompue il la voyait toujours blanche, ailĂ©e, pure et mystĂ©rieuse, comme elle s'Ă©tait faite pour lui, devinant qu'il la voulait ainsi. Un ami Vers la fin du mois de mai 1825, Lucien avait perdu toute sa vivacitĂ©; il ne sortait plus, dĂnait avec Herrera, demeurait pensif, travaillait, lisait la collection des traitĂ©s diplomatiques, restait assis Ă la turque sur un divan et fumait trois ou quatre houka par jour. Son groom Ă©tait plus occupĂ© Ă nettoyer les tuyaux de ce bel instrument et Ă les parfumer, qu'Ă lisser le poil des chevaux et Ă les harnacher de roses pour les courses au Bois. Le jour oĂÂč l'Espagnol vit le front de Lucien pĂÂąli, oĂÂč il aperçut les traces de la maladie dans les folies de l'amour comprimĂ©, il voulut aller au fond de ce coeur d'homme sur lequel il avait assis sa vie. Par une belle soirĂ©e oĂÂč Lucien, assis dans un fauteuil, contemplait machinalement le coucher du soleil Ă travers les arbres du jardin, en y jetant le voile de sa fumĂ©e de parfums par des souffles Ă©gaux et prolongĂ©s, comme font les fumeurs prĂ©occupĂ©s, il fut tirĂ© de sa rĂÂȘverie par un profond soupir. Il se retourna et vit l'abbĂ© debout, les bras croisĂ©s. - Tu Ă©tais lĂ ! dit le poĂšte. - Depuis longtemps, rĂ©pondit le prĂÂȘtre, mes pensĂ©es ont suivi l'Ă©tendue des tiennes... Lucien comprit ce mot. - Je ne me suis jamais donnĂ© pour une nature de bronze comme est la tienne. La vie est pour moi tour Ă tour un paradis et un enfer; mais quand, par hasard, elle n'est ni l'un ni l'autre, elle m'ennuie, et je m'ennuie... - Comment peut-on s'ennuyer quand on a tant de magnifiques espĂ©rances devant soi... - Quand on ne croit pas Ă ces espĂ©rances, ou quand elles sont trop voilĂ©es... - Pas de bĂÂȘtises!... dit le prĂÂȘtre. Il est bien plus digne de toi et de moi de m'ouvrir ton coeur. Il y a entre nous ce qu'il ne devait jamais y avoir un secret! Ce secret dure depuis seize mois. Tu aimes une femme. - AprĂšs... - Une fille immonde, nommĂ©e la Torpille... - Eh! bien? - Mon enfant, je t'avais permis de prendre une maĂtresse, mais une femme de la cour, jeune, belle, influente, au moins comtesse. Je t'avais choisi madame d'Espard, afin d'en faire sans scrupule un instrument de fortune; car elle ne t'aurait jamais perverti le coeur, elle te l'aurait laissĂ© libre... Aimer une prostituĂ©e de la derniĂšre espĂšce, quand on n'a pas, comme les rois, le pouvoir de l'anoblir, est une faute Ă©norme. - Suis-je le premier qui ait renoncĂ© Ă l'ambition pour suivre la pente d'un amour effrĂ©nĂ©? - Bon! fit le prĂÂȘtre en ramassant le bochettino du houka que Lucien avait laissĂ© tomber par terre et le lui rendant, je comprends l'Ă©pigramme. Ne peut-on rĂ©unir l'ambition et l'amour? Enfant, tu as dans le vieil Herrera une mĂšre dont le dĂ©vouement est absolu... - Je le sais, mon vieux, dit Lucien en lui prenant la main et en la lui secouant. - Tu as voulu les joujoux de la richesse, tu les as. Tu veux briller, je te dirige dans la voie du pouvoir, je baise des mains bien sales pour te faire avancer, et tu avanceras. Encore quelque temps, il ne te manquera rien de ce qui plaĂt aux hommes et aux femmes. EffĂ©minĂ© par tes caprices tu es viril par ton esprit j'ai tout conçu de toi, je te pardonne tout. Tu n'as qu'Ă parler pour satisfaire tes passions d'un jour. J'ai agrandi ta vie en y mettant ce qui la fait adorer par le plus grand nombre, le cachet de la politique et de la domination. Tu seras aussi grand que tu es petit; mais il ne faut pas briser le balancier avec lequel nous battons monnaie. Je te permets tout, moins les fautes qui tueraient ton avenir. Quand je t'ouvre les salons du faubourg Saint-Germain, je te dĂ©fends de te vautrer dans les ruisseaux! Lucien! je serai comme une barre de fer dans ton intĂ©rĂÂȘt, je souffrirai tout de toi, pour toi. Ainsi donc, j'ai converti ton manque de touche au jeu de la vie en une finesse de joueur habile... Lucien leva la tĂÂȘte par un mouvement d'une brusquerie furieuse. - J'ai enlevĂ© la Torpille! - Toi? s'Ă©cria Lucien. Dans un accĂšs de rage animale, le poĂšte se leva, jeta le bochettino d'or et de pierreries Ă la face du prĂÂȘtre, qu'il poussa assez violemment pour renverser cet athlĂšte. - Moi, dit l'Espagnol en se relevant et en gardant sa gravitĂ© terrible. La perruque noire Ă©tait tombĂ©e. Un crĂÂąne poli comme une tĂÂȘte de mort rendit Ă cet homme sa vraie physionomie; elle Ă©tait Ă©pouvantable. Lucien resta sur son divan, les bras pendants, accablĂ©, regardant l'abbĂ© d'un air stupide, - Je l'ai enlevĂ©e, reprit le prĂÂȘtre, - Qu'en as-tu fait? Tu l'as enlevĂ©e le lendemain du bal masquĂ©... - Oui, le lendemain du jour oĂÂč j'ai vu insulter un ĂÂȘtre qui t'appartenait par des drĂÂŽles Ă qui je ne voudrais pas donner mon pied dans... - Des drĂÂŽles, dit Lucien en l'interrompant, dis des monstres, auprĂšs de qui ceux que l'on guillotine sont des anges. Sais-tu ce que la pauvre Torpille a fait pour trois d'entre eux? Il y en a un qui a Ă©tĂ©, pendant deux mois, son amant elle Ă©tait pauvre et cherchait son pain dans le ruisseau; lui n'avait pas le sou, il Ă©tait comme moi, quand tu m'as rencontrĂ©, bien prĂšs de la riviĂšre; mon gars se relevait la nuit, il allait Ă l'armoire oĂÂč Ă©taient les restes du dĂner de cette fille, et il les mangeait elle a fini par dĂ©couvrir ce manĂšge; elle a compris cette honte, elle a eu soin de laisser beaucoup de restes, elle Ă©tait bien heureuse; elle n'a dit cela qu'Ă moi, dans son fiacre, au retour de l'OpĂ©ra. Le second avait volĂ©, mais avant qu'on ne pĂ»t s'apercevoir du vol, elle a pu lui prĂÂȘter la somme qu'il a pu restituer et qu'il a toujours oubliĂ© de rendre Ă cette pauvre enfant. Quant au troisiĂšme, elle a fait sa fortune en jouant une comĂ©die oĂÂč Ă©clate le gĂ©nie de Figaro; elle a passĂ© pour sa femme et s'est faite la maĂtresse d'un homme tout-puissant qui la croyait la plus candide des bourgeoises. A l'un la vie, Ă l'autre l'honneur, au dernier la fortune, qui est aujourd'hui tout cela! Et voilĂ comme elle a Ă©tĂ© rĂ©compensĂ©e par eux. - Veux-tu qu'ils meurent? dit Herrera qui avait une larme dans les yeux. - Allons, te voilĂ bien! je te connais... - Non, apprends tout, poĂšte rageur, dit le prĂÂȘtre, la Torpille n'existe plus... Lucien s'Ă©lança sur Herrera si vigoureusement pour le prendre Ă la gorge, que tout autre homme eĂ»t Ă©tĂ© renversĂ©; mais le bras de l'Espagnol maintint le poĂšte. - Ecoute donc, dit-il froidement. J'en ai fait une femme chaste, pure, bien Ă©levĂ©e, religieuse, une femme comme il faut; elle est dans le chemin de l'instruction. Elle peut, elle doit devenir, sous l'empire de ton amour, une Ninon, une Marion de Lorme, une Dubarry, comme le disait ce journaliste Ă l'OpĂ©ra. Tu l'avoueras pour ta maĂtresse ou tu resteras derriĂšre le rideau de ta crĂ©ation, ce qui sera plus sage! L'un ou l'autre parti t'apportera profit et orgueil, plaisir et progrĂšs; mais si tu es aussi grand politique que grand poĂšte, Esther ne sera qu'une fille pour toi, car plus tard elle nous tirera peut-ĂÂȘtre d'affaire, elle vaut son pesant d'or. Bois, mais ne te grise pas. Si je n'avais pas pris les rĂÂȘnes de ta passion, oĂÂč en serais-tu aujourd'hui? Tu aurais roulĂ© avec la Torpille dans la fange des misĂšres d'oĂÂč je t'ai tirĂ©. Tiens, lis, dit Herrera aussi simplement que Talma dans Manlius qu'il n'avait jamais vu. Un papier tomba sur les genoux du poĂšte, et le tira de l'extatique surprise oĂÂč l'avait plongĂ© cette terrifiante rĂ©ponse, il le prit et lut la premiĂšre lettre Ă©crite par mademoiselle Esther. "A monsieur l'abbĂ© Carlos Herrera. Mon cher protecteur, ne croirez-vous pas que chez moi la reconnaissance passe avant l'amour, en voyant que c'est Ă vous rendre grĂÂące que j'emploie, pour la premiĂšre fois, la facultĂ© d'exprimer mes pensĂ©es, au lieu de la consacrer Ă peindre un amour que Lucien a peut-ĂÂȘtre oubliĂ©? Mais je vous dirai Ă vous, homme divin, ce que je n'oserais lui dire Ă lui, qui, pour mon bonheur, tient encore Ă la terre. La cĂ©rĂ©monie d'hier a versĂ© les trĂ©sors de la grĂÂące en moi, je remets donc ma destinĂ©e en vos mains. DussĂ©-je mourir en restant loin de mon bien-aimĂ©, je mourrai purifiĂ©e comme la Madeleine, et mon ĂÂąme deviendra pour lui la rivale de son ange gardien. Oublierai-je jamais la fĂÂȘte d'hier? Comment vouloir abdiquer le trĂÂŽne glorieux oĂÂč je suis montĂ©e? Hier, j'ai lavĂ© toutes mes souillures dans l'eau du baptĂÂȘme, et j'ai reçu le corps sacrĂ© de notre Sauveur; je suis devenue l'un de ses tabernacles. En ce moment, j'ai entendu les chants des anges, je n'Ă©tais plus une femme, je naissais Ă une vie de lumiĂšre, au milieu des acclamations de la terre, admirĂ©e par le monde, dans un nuage d'encens et de priĂšres qui enivrait, et parĂ©e comme une vierge pour un Ă©poux cĂ©leste. En me trouvant, ce que je n'espĂ©rais jamais, digne de Lucien, j'ai abjurĂ© tout amour impur, et ne veux pas marcher dans d'autres voies que celles de la vertu. Si mon corps est plus faible que mon ĂÂąme, qu'il pĂ©risse. Soyez l'arbitre de ma destinĂ©e, et, si je meurs, dites Ă Lucien que je suis morte pour lui en naissant Ă Dieu. Ce dimanche soir." Lucien leva sur l'abbĂ© ses yeux mouillĂ©s de larmes. - Tu connais l'appartement de la grosse Caroline Bellefeuille, rue Taitbout, reprit l'Espagnol. Cette fille, abandonnĂ©e par son magistrat, Ă©tait dans un effroyable besoin, elle allait ĂÂȘtre saisie; j'ai fait acheter son domicile en bloc, elle en est sortie avec ses nippes. Esther, cet ange qui voulait monter au ciel, y est descendue et t'attend. En ce moment, Lucien entendit dans la cour ses chevaux qui piaffaient, il n'eut pas la force d'exprimer son admiration pour un dĂ©vouement que lui seul pouvait apprĂ©cier; il se jeta dans les bras de l'homme qu'il avait outragĂ©, rĂ©para tout par un seul regard et par la muette effusion de ses sentiments; puis il franchit les escaliers, jeta l'adresse d'Esther Ă l'oreille de son tigre, et les chevaux partirent comme si la passion de leur maĂtre eĂ»t animĂ© leurs jambes. OĂÂč l'on apprend qu'il n'y avait pas de prĂÂȘtre dans l'abbĂ© Herrera Le lendemain, un homme, qu'Ă son habillement les passants pouvaient prendre pour un gendarme dĂ©guisĂ©, se promenait rue Taitbout, en face d'une maison, comme s'il attendait la sortie de quelqu'un; son pas Ă©tait celui des hommes agitĂ©s. Vous rencontrerez souvent, dans Paris, de ces promeneurs passionnĂ©s, vrais gendarmes qui guettent un garde national rĂ©fractaire, des recors qui prennent leurs mesures pour une arrestation, des crĂ©anciers mĂ©ditant une avanie Ă leur dĂ©biteur qui s'est claquemurĂ©, des amants ou des maris jaloux et soupçonneux, des amis en faction pour compte d'amis; mais vous rencontrerez bien rarement une face Ă©clairĂ©e par les sauvages et rudes pensĂ©es qui animaient celle du sombre athlĂšte allant et venant sous les fenĂÂȘtres de mademoiselle Esther avec la songeuse prĂ©cipitation d'un ours en cage. A midi, une croisĂ©e s'ouvrit pour laisser passer la main d'une femme de chambre qui en poussa les volets rembourrĂ©s de coussins. Quelques instants aprĂšs, Esther en dĂ©shabillĂ© vint respirer l'air, elle s'appuyait sur Lucien; qui les eĂ»t vus, les aurait pris pour l'original d'une suave vignette anglaise. Esther aperçut tout d'abord les yeux de basilic du prĂÂȘtre espagnol, et. la pauvre crĂ©ature, atteinte comme d'une balle, jeta un cri d'effroi. - VoilĂ le terrible prĂÂȘtre, dit-elle en le montrant Ă Lucien. - Luit dit-il en souriant, il n'est pas plus prĂÂȘtre que toi... - Qu'est-il donc alors? dit-elle effrayĂ©e. - Eh! c'est un vieux Lascar qui ne croit qu'au diable, dit Lucien. Saisie par un ĂÂȘtre moins dĂ©vouĂ© qu'Esther, cette lueur jetĂ©e sur les secrets du faux prĂÂȘtre aurait pu perdre Ă jamais Lucien. En allant de la fenĂÂȘtre de leur chambre Ă coucher dans la salle Ă manger oĂÂč leur dĂ©jeuner venait d'ĂÂȘtre servi, les deux amants rencontrĂšrent Carlos Herrera. - Que viens-tu faire ici? lui dit brusquement Lucien. - Vous bĂ©nir, rĂ©pondit cet audacieux personnage en arrĂÂȘtant le couple et le forçant Ă rester dans le petit salon de l'appartement. Ecoutez-moi, mes amours? Amusez-vous, soyez heureux, c'est trĂšs bien. Le bonheur Ă tout prix, voilĂ ma doctrine. Mais toi, dit-il Ă Esther, toi que j'ai tirĂ©e de la boue et que j'ai savonnĂ©e, ĂÂąme et corps, tu n'as pas la prĂ©tention de te mettre en travers sur le chemin de Lucien?... Quant Ă toi, mon petit, reprit-il aprĂšs une pause en regardant Lucien, tu n'es plus assez poĂšte pour te laisser aller Ă une nouvelle Coralie. Nous faisons de la prose. Que peut devenir l'amant d'Esther? Rien. Esther peut-elle ĂÂȘtre madame de RubemprĂ©? Non. Eh! bien, le monde, ma petite, dit-il en mettant sa main dans celle d'Esther qui frissonna comme si quelque serpent l'eĂ»t enveloppĂ©e, le monde doit ignorer que vous vivez; le monde doit surtout ignorer qu'une mademoiselle Esther aime Lucien, et que Lucien est Ă©pris d'elle... Cet appartement sera votre prison, ma petite. Si vous voulez sortir, et votre santĂ© l'exigera, vous vous promĂšnerez pendant la nuit, aux heures oĂÂč vous ne pourrez point ĂÂȘtre vue; car votre beautĂ©, votre jeunesse et la distinction que vous avez acquise au couvent seraient trop promptement remarquĂ©es dans Paris. Le jour oĂÂč qui que ce soit au monde, dit-il avec un terrible accent accompagnĂ© d'un plus terrible regard, saurait que Lucien est votre amant ou que vous ĂÂȘtes sa maĂtresse, ce jour serait l'avant-dernier de vos jours. On a obtenu Ă ce cadet-lĂ une ordonnance qui lui a permis de porter le nom et les armes de ses ancĂÂȘtres maternels. Mais ce n'est pas tout! le titre de marquis ne nous a pas Ă©tĂ© rendu; et, pour le reprendre, il doit Ă©pouser une fille de bonne maison en faveur de qui le Roi nous fera cette grĂÂące. Cette alliance mettra Lucien dans le monde de la Cour. Cet enfant, de qui j'ai su faire un homme, deviendra d'abord secrĂ©taire d'ambassade; plus tard, il sera ministre dans quelque petite cour d'Allemagne, et, Dieu ou moi ce qui vaut mieux aidant, il ira s'asseoir quelque jour sur les bancs de la pairie... - Ou sur les bancs... dit Lucien en interrompant cet homme. - Tais-toi, s'Ă©cria Carlos en couvrant avec sa large main la bouche de Lucien. Un pareil secret Ă une femme!... lui souffla-t-il dans l'oreille. - Esther, une femme?... s'Ă©cria l'auteur des Marguerites. - Encore des sonnets! dit l'Espagnol, ou des sornettes. Tous ces anges-lĂ redeviennent femmes, tĂÂŽt ou tard; or, la femme a toujours des moments oĂÂč elle est Ă la fois singe et enfant! deux ĂÂȘtres qui nous tuent en voulant rire. - Esther, mon bijou, dit-il Ă la jeune pensionnaire Ă©pouvantĂ©e, je vous ai trouvĂ© pour femme de chambre une crĂ©ature qui m'appartient comme si elle Ă©tait ma fille. Vous aurez pour cuisiniĂšre une mulĂÂątresse, ce qui donne un fier ton Ă une maison. Avec Europe et Asie, vous pourrez vivre ici pour un billet de mille francs par mois, tout compris, comme une reine... de thĂ©ĂÂątre. Europe a Ă©tĂ© couturiĂšre, modiste et comparse, Asie a servi un milord gourmand. Ces deux crĂ©atures seront pour vous comme deux fĂ©es. En voyant Lucien trĂšs petit garçon devant cet ĂÂȘtre, coupable au moins d'un sacrilĂšge et d'un faux, cette femme, sacrĂ©e par son amour, sentit alors au fond de son coeur une terreur profonde. Sans rĂ©pondre, elle entraĂna Lucien dans la chambre oĂÂč elle lui dit "Est-ce le diable?" - C'est bien pis... pour moi! reprit-il vivement. Mais, si tu m'aimes, tĂÂąche d'imiter le dĂ©vouement de cet homme, et obĂ©is-lui sous peine de mort... - De mort?... dit-elle encore plus effrayĂ©e, - De mort, rĂ©pĂ©ta Lucien. HĂ©las! ma petite biche, aucune mort ne saurait se comparer Ă celle qui m'atteindrait, si... Esther pĂÂąlit en entendant ces paroles et se sentit dĂ©faillir. - Eh! bien? leur cria ce faussaire sacrilĂšge, vous n'avez donc pas encore effeuillĂ© toutes vos marguerites? Esther et Lucien reparurent, et la pauvre fille dit, sans oser regarder l'homme mystĂ©rieux "Vous serez obĂ©i comme on obĂ©it Ă Dieu, monsieur." - Bien! RĂ©pondit-il, vous pourrez ĂÂȘtre, pendant quelque temps, trĂšs heureuse, et... vous n'aurez que des toilettes de chambre et de nuit Ă faire, ce sera trĂšs Ă©conomique. Deux fameux chiens de garde Et les deux amants se dirigĂšrent vers la salle Ă manger; mais le protecteur de Lucien fit un geste pour arrĂÂȘter le joli couple, qui s'arrĂÂȘta. - Je viens de vous parler de vos gens, mon enfant, dit-il Ă Esther, je dois vous les prĂ©senter. L'Espagnol sonna deux fois. Les deux femmes, qu'il nommait Europe et Asie, apparurent, et il fut facile de voir la cause de ces surnoms. Asie, qui paraissait ĂÂȘtre nĂ©e Ă l'Ăle de Java, offrait au regard, pour l'Ă©pouvanter, ce visage cuivrĂ© particulier aux Malais, plat comme une planche, et oĂÂč le nez semble avoir Ă©tĂ© rentrĂ© par une compression violente. L'Ă©trange disposition des os maxillaires donnait au bas de cette figure une ressemblance avec la face des singes de la grande espĂšce. Le front, quoique dĂ©primĂ©, ne manquait pas d'une intelligence produite par l'habitude de la ruse. Deux petits yeux ardents conservaient le calme de ceux des tigres, mais ils ne regardaient point en face. Asie semblait avoir peur d'Ă©pouvanter son monde. Les lĂšvres, d'un bleu pĂÂąle, laissaient passer des dents d'une blancheur Ă©blouissante, mais entrecroisĂ©es. L'expression gĂ©nĂ©rale de cette physionomie animale Ă©tait la lĂÂąchetĂ©. Les cheveux, luisants et gras, comme la peau du visage, bordaient de deux bandes noires un foulard trĂšs riche. Les oreilles, excessivement jolies, avaient deux grosses perles brunes pour ornement. Petite, courte, ramassĂ©e, Asie ressemblait Ă ces crĂ©ations falotes que se permettent les Chinois sur leurs Ă©crans, ou plus exactement, Ă ces idoles hindoues dont le type ne paraĂt pas devoir exister, mais que les voyageurs finissent par trouver. En voyant ce monstre, parĂ© d'un tablier blanc sur une robe de stoff, Esther eut le frisson. - Asie! dit l'Espagnol vers qui cette femme leva la tĂÂȘte par un mouvement qui n'est comparable qu'Ă celui du chien regardant son maĂtre, voilĂ votre maĂtresse... Et il montra du doigt Esther en peignoir. Asie regarda cette jeune fĂ©e avec une expression quasi douloureuse; mais en mĂÂȘme temps une lueur Ă©touffĂ©e entre ses petits cils pressĂ©s partit comme la flammĂšche d'un incendie sur Lucien qui, vĂÂȘtu d'une magnifique robe de chambre ouverte, d'une chemise en toile de Frise et d'un pantalon rouge, un bonnet turc sur sa tĂÂȘte d'oĂÂč ses cheveux blonds sortaient en grosses boucles, offrait une image divine. Le gĂ©nie italien peut inventer de raconter Othello, le gĂ©nie anglais peut le mettre en scĂšne; mais la nature seule a le droit d'ĂÂȘtre dans un seul regard plus magnifique et plus complĂšte que l'Angleterre et l'Italie dans l'expression de la jalousie. Ce regard, surpris par Esther, lui fit saisir l'Espagnol par le bras et y imprimer ses ongles comme eĂ»t fait un chat qui se retient pour ne pas tomber dans un prĂ©cipice oĂÂč il ne voit pas de fond. L'Espagnol dit alors trois ou quatre mots d'une langue inconnue Ă ce monstre asiatique, qui vint s'agenouiller en rampant aux pieds d'Esther, et les lui baisa. - C'est, dit l'Espagnol Ă Esther, non pas une cuisiniĂšre, mais un cuisinier qui rendrait CarĂÂȘme fou de jalousie. Asie sait tout faire en cuisine. Elle vous accommodera un simple plat de haricots Ă vous mettre en doute si les anges ne sont pas descendus pour y ajouter des herbes du ciel. Elle ira tous les matins Ă la Halle elle-mĂÂȘme, et se battra comme un dĂ©mon qu'elle est, afin d'avoir les choses au plus juste prix; elle lassera les curieux par sa discrĂ©tion. Comme vous passerez pour ĂÂȘtre allĂ©e aux Indes, Asie vous aidera beaucoup Ă rendre cette fable possible, car c'est une de ces Parisiennes qui naissent pour ĂÂȘtre du pays d'oĂÂč elles veulent ĂÂȘtre. Mais mon avis n'est pas que vous soyez Ă©trangĂšre... - Europe, qu'en dis-tu?... Europe formait un contraste parfait avec Asie, car elle Ă©tait la soubrette la plus gentille que jamais Monrose ait pu souhaiter pour adversaire sur le thĂ©ĂÂątre. Svelte, en apparence Ă©tourdie, au minois de belette, le nez en vrille, Europe offrait Ă l'observation une figure fatiguĂ©e par les corruptions parisiennes, la blafarde figure d'une fille nourrie de pommes crues, lymphatique et fibreuse, molle et tenace. Son petit pied en avant, les mains dans les poches de son tablier, elle frĂ©tillait tout en restant immobile, tant elle avait d'animation. A la fois grisette et figurante, elle devait, malgrĂ© sa jeunesse, avoir dĂ©jĂ fait bien des mĂ©tiers. Perverse comme toutes les Madelonnettes ensemble, elle pouvait avoir volĂ© ses parents et frĂÂŽlĂ© les bancs de la Police correctionnelle. Asie inspirait une grande Ă©pouvante; mais on la connaissait tout entiĂšre en un moment, elle descendait en ligne droite de Locuste; tandis qu'Europe inspirait une inquiĂ©tude qui ne pouvait que grandir Ă mesure qu'on se servait d'elle; sa corruption semblait ne pas avoir de bornes; elle devait, comme dit le peuple, savoir faire battre des montagnes. - Madame pourrait ĂÂȘtre de Valenciennes, dit Europe d'un petit ton sec, j'en suis. Monsieur, dit-elle Ă Lucien d'un air pĂ©dant, veut-il nous apprendre le nom qu'il compte donner Ă madame? - Madame Van Bogseck, rĂ©pondit l'Espagnol en retournant aussitĂÂŽt le nom d'Esther. Madame est une Juive originaire de Hollande, veuve d'un nĂ©gociant et malade d'une maladie de foie rapportĂ©e de Java... Pas grande fortune, afin de ne pas exciter la curiositĂ©. - De quoi vivre, six mille francs de rente, et nous nous plaindrons de ses lĂ©sineries, dit Europe. - C'est cela, fit l'Espagnol en inclinant la tĂÂȘte. SatanĂ©es farceuses! Reprit-il d'un son de voix terrible en surprenant en Asie et en Europe des regards qui lui dĂ©plurent, vous savez ce que je vous ai dit? Vous servez une reine, vous lui devez le respect qu'on doit Ă une reine, vous lui serez dĂ©vouĂ©es autant qu'Ă moi. Ni le portier, ni les voisins, ni les locataires, enfin personne au monde ne doit savoir ce qui se passe ici. C'est Ă vous Ă dĂ©jouer toutes les curiositĂ©s, s'il s'en Ă©veille. Et madame, ajouta-t-il en mettant sa large main velue sur le bras d'Esther, madame ne doit pas commettre la plus lĂ©gĂšre imprudence, vous l'en empĂÂȘcheriez au besoin, mais... toujours respectueusement. Europe, c'est vous qui serez en relation avec le dehors pour la toilette de madame, et vous y travaillerez afin d'aller Ă l'Ă©conomie. Enfin, que personne, pas mĂÂȘme les gens les plus insignifiants, ne mette les pieds dans l'appartement. A vous deux, il faut savoir y tout faire. - Ma petite belle, dit-il Ă Esther, quand vous voudrez sortir le soir en voiture, vous le direz Ă Europe, elle sait oĂÂč aller chercher vos gens, car vous aurez un chasseur, et de ma façon, comme ces deux esclaves. Esther et Lucien ne trouvaient pas un mot Ă dire, ils Ă©coutaient l'Espagnol et regardaient les deux sujets prĂ©cieux auxquels il donnait ses ordres. A quel secret devaient-ils la soumission, le dĂ©vouement Ă©crits sur ces deux visages, l'un si mĂ©chamment mutin, l'autre si profondĂ©ment cruel? Il devina les pensĂ©es d'Esther et de Lucien, qui paraissaient engourdis comme l'eussent Ă©tĂ© Paul et Virginie Ă l'aspect de deux horribles serpents, et il leur dit de sa bonne voix Ă l'oreille "Vous pouvez compter sur elles comme sur moi mĂÂȘme; n'ayez aucun secret pour elles, ça les flattera. - Va servir, ma petite Asie, dit-il Ă la cuisiniĂšre; et toi, ma mignonne, mets un couvert, dit-il Ă Europe, c'est bien le moins que ces enfants donnent Ă dĂ©jeuner Ă papa." Quand les deux femmes eurent fermĂ© la porte, et que l'Espagnol entendit Europe allant et venant, il dit Ă Lucien et Ă la jeune fille, en ouvrant sa large main "Je les tiens!" Mot et geste qui faisaient frĂ©mir. - OĂÂč donc les as-tu trouvĂ©es? s'Ă©cria Lucien. - Eh! parbleu, rĂ©pondit cet homme, je ne les ai pas cherchĂ©es au pied des trĂÂŽnes! Europe sort de la boue et a peur d'y entrer... Menacez-les de monsieur l'abbĂ© quand elles ne vous satisferont pas, et vous les verrez tremblant comme des souris Ă qui l'on parle d'un chat. Je suis un dompteur de bĂÂȘtes fĂ©roces, ajouta-t-il en souriant. - Vous me faites l'effet du dĂ©mon! s'Ă©cria gracieusement Esther en se serrant contre Lucien. - Mon enfant, j'ai tentĂ© de vous donner au ciel; mais la fille repentie sera toujours une mystification pour l'Eglise s'il s'en trouvait une, elle redeviendrait courtisane dans le Paradis... Vous y avez gagnĂ© de vous faire oublier et de ressembler Ă une femme comme il faut; car vous avez appris lĂ -bas ce que vous n'auriez jamais pu savoir dans la sphĂšre infĂÂąme oĂÂč vous viviez... Vous ne me devez rien, fit-il en voyant une dĂ©licieuse expression de reconnaissance sur la figure d'Esther, j'ai tout fait pour lui... Et il montra Lucien... Vous ĂÂȘtes fille, vous resterez fille, vous mourrez fille; car, malgrĂ© les sĂ©duisantes thĂ©ories des Ă©leveurs de bĂÂȘtes, on ne peut devenir ici-bas que ce qu'on est. L'homme aux bosses a raison. Vous avez la bosse de l'amour. L'Espagnol Ă©tait, comme on le voit, fataliste, ainsi que NapolĂ©on, Mahomet et beaucoup de grands politiques. Chose Ă©trange, presque tous les hommes d'action inclinent Ă la FatalitĂ©, de mĂÂȘme que la plupart des penseurs inclinent Ă la Providence. - Je ne sais pas ce que je suis, rĂ©pondit Esther avec une douceur d'ange; mais j'aime Lucien, et je mourrai l'adorant. - Venez dĂ©jeuner, dit brusquement l'Espagnol, et priez Dieu que Lucien ne se marie pas promptement, car alors vous ne le reverriez plus. - Son mariage serait ma mort, dit-elle. Elle laissa passer ce faux prĂÂȘtre le premier afin de pouvoir se hausser jusqu'Ă l'oreille de Lucien, sans ĂÂȘtre vue. - Est-ce ta volontĂ©, dit-elle, que je reste sous la puissance de cet homme qui me fait garder par ces deux hyĂšnes? Lucien inclina la tĂÂȘte. La pauvre fille rĂ©prima sa tristesse et parut joyeuse; mais elle fut horriblement oppressĂ©e. Il fallut plus d'un an de soins constants et dĂ©vouĂ©s pour qu'elle s'habituĂÂąt ces deux terribles crĂ©atures, que Carlos Herrera nommait les deux chiens de garde. Chapitre ennuyeux car il explique quatre ans de bonheur La conduite de Lucien, depuis son retour Ă Paris, fut marquĂ©e au coin d'une politique si profonde qu'il devait exciter et qu'il excita la jalousie de tous ses anciens amis, envers lesquels il n'exerça pas d'autre vengeance que de les faire enrager par ses succĂšs, par sa tenue irrĂ©prochable, et par sa façon de laisser les gens Ă distance. Ce poĂšte si communicatif, si expansif, devint froid et rĂ©servĂ©. De Marsay, ce type adoptĂ© par la jeunesse parisienne, n'apportait pas dans ses discours ou dans ses actions plus de mesure que n'en avait Lucien. Quant Ă de l'esprit, le journaliste avait jadis fait ses preuves. De Marsay, Ă qui bien des gens opposaient Lucien avec complaisance en donnant la prĂ©fĂ©rence au poĂšte, eut la petitesse de s'en taquiner. Lucien, trĂšs en faveur auprĂšs des hommes qui exerçaient le pouvoir, abandonna si bien toute pensĂ©e de gloire littĂ©raire, qu'il fut insensible au succĂšs de son roman, republiĂ© sous son vrai titre de l'Archer de Charles IX, et au bruit que fit son recueil de sonnets intitulĂ© les Marguerites vendu par Dauriat en une semaine. - C'est un succĂšs posthume, rĂ©pondit-il en riant Ă mademoiselle des Touches qui le complimentait. Le terrible Espagnol maintenait sa crĂ©ature avec un bras de fer dans la ligne au bout de laquelle les fanfares et les profits de la victoire attendent le politique patient. Lucien avait pris l'appartement de garçon de Beaudenord, sur le quai Malaquais, afin de se rapprocher de la rue Taitbout, et son conseil s'Ă©tait logĂ© dans trois chambres de la mĂÂȘme maison, au quatriĂšme Ă©tage. Lucien n'avait plus qu'un cheval de selle et de cabriolet, un domestique et un palefrenier. Quand il ne dĂnait pas en ville, il dĂnait chez Esther. Carlos Herrera surveillait si bien les gens au quai Malaquais, que Lucien ne dĂ©pensait pas en tout dix mille francs par an. Dix mille francs suffisaient Ă Esther, grĂÂące au dĂ©vouement constant, inexplicable d'Europe et d'Asie. Lucien employait d'ailleurs les plus grandes prĂ©cautions pour aller rue Taitbout ou pour en sortir. Il n'y venait jamais qu'en fiacre, les stores baissĂ©s, et faisait toujours entrer la voiture. Aussi, sa passion pour Esther et l'existence du mĂ©nage de la rue Taithout, entiĂšrement inconnues dans le monde, ne nuisirent-elles aucune de ses entreprises ou de ses relations; jamais un mot indiscret ne lui Ă©chappa sur ce sujet dĂ©licat. Ses fautes en ce genre avec Coralie, lors de son premier sĂ©jour Ă Paris, lui avaient donnĂ© de l'expĂ©rience. Sa vie offrit d'abord cette rĂ©gularitĂ© de bon ton sous laquelle on peut cacher bien des mystĂšres il restait dans le inonde tous les soirs jusqu'Ă une heure du matin; on le trouvait chez lui de dix heures Ă une heure aprĂšs-midi; puis il allait au bois de Boulogne et faisait des visites jusqu'Ă cinq heures. On le voyait rarement Ă pied, il Ă©vitait ainsi ses anciennes connaissances. Quand il fut saluĂ© par quelque journaliste ou par quelqu'un de ses anciens camarades, il rĂ©pondit d'abord par une inclination de tĂÂȘte assez polie pour qu'il fĂ»t impossible de se fĂÂącher, mais oĂÂč perçait un dĂ©dain profond qui tuait la familiaritĂ© française. Il se dĂ©barrassa promptement ainsi des gens qu'il ne voulait plus avoir connus. Une vieille haine l'empĂÂȘchait d'aller chez madame d'Espard, qui, plusieurs fois, avait voulu l'avoir chez elle; s'il la rencontrait chez la duchesse de Maufrigneuse ou chez mademoiselle des Touches, chez la comtesse de Montcornet, ou ailleurs, il se montrait d'une exquise politesse avec elle. Cette haine, Ă©gale chez madame d'Espard, obligeait Lucien Ă user de prudence, car on verra comment il l'avait avivĂ©e en se permettant une vengeance qui, d'ailleurs, lui valut une forte semonce de Carlos Herrera. - Tu n'es pas encore assez puissant pour te venger de qui que ce soit, lui avait dit l'Espagnol. Quand on est en route, par un ardent soleil, on ne s'arrĂÂȘte pas pour cueillir la plus belle fleur... Il y avait trop d'avenir et trop de supĂ©rioritĂ© vraie chez Lucien pour que les jeunes gens, que son retour Ă Paris et sa fortune inexplicable offusquaient ou froissaient, ne fussent pas enchantĂ©s de lui jouer un mauvais tour. Lucien, qui se savait beaucoup d'ennemis, n'ignorait pas ces mauvaises dispositions chez ses amis. Aussi l'abbĂ© mettait-il admirablement son fils adoptif en garde contre les traĂtrises du monde, contre les imprudences si fatales Ă la jeunesse. Lucien devait raconter et racontait tous les soirs Ă l'abbĂ© les plus petits Ă©vĂ©nements de la journĂ©e. GrĂÂące aux conseils de ce mentor, il dĂ©jouait la curiositĂ© la plus habile, celle du monde. GardĂ© par un sĂ©rieux anglais, fortifiĂ© par les redoutes qu'Ă©lĂšve la circonspection des diplomates, il ne laissait Ă personne le droit ou l'occasion de jeter l'oeil sur ses affaires. Sa jeune et belle figure avait fini par ĂÂȘtre, dans le monde, impassible comme une figure de princesse en cĂ©rĂ©monie. Vers le milieu de l'annĂ©e 1829, il fut question de son mariage avec la fille aĂnĂ©e de la duchesse de Grandlieu, qui n'avait alors pas moins de quatre filles Ă Ă©tablir. Personne ne mettait en doute que le Roi ne fĂt, Ă propos de cette alliance, la faveur de rendre Ă Lucien le titre de marquis. Ce mariage allait dĂ©cider la fortune politique de Lucien, qui probablement serait nommĂ© ministre auprĂšs d'une cour d'Allemagne. Depuis trois ans surtout, la vie de Lucien avait Ă©tĂ© d'une sagesse inattaquable; aussi de Marsay avait-il dit de lui ce mot singulier "Ce garçon doit avoir derriĂšre lui quelqu'un de bien fort!" Lucien Ă©tait ainsi devenu presque un personnage. Sa passion pour Esther l'avait d'ailleurs aidĂ© beaucoup Ă jouer son rĂÂŽle d'homme grave. Une habitude de ce genre garantit les ambitieux de bien des sottises; en ne tenant Ă aucune femme, ils ne se laissent pas prendre aux rĂ©actions du physique sur le moral. Quant au bonheur dont jouissait Lucien, c'Ă©tait la rĂ©alisation des rĂÂȘves du poĂšte sans le sou, Ă jeun, dans un grenier. Esther, l'idĂ©al de la courtisane amoureuse, tout en rappelant Ă Lucien Coralie, l'actrice avec laquelle il avait vĂ©cu pendant une annĂ©e, l'effaçait complĂštement. Toutes les femmes aimantes et dĂ©vouĂ©es inventent la rĂ©clusion, l'incognito, la vie de la perle au fond de la mer; mais, chez la plupart d'entre elles, c'est un de ces charmants caprices qui font un sujet de conversation, une preuve d'amour qu'elles rĂÂȘvent de donner et qu'elles ne donnent pas; tandis qu'Esther, toujours au lendemain de sa premiĂšre fĂ©licitĂ©, vivant Ă toute heure sous le premier regard incendiaire de Lucien, n'eut pas, en quatre ans, un mouvement de curiositĂ©. Son esprit tout entier, elle l'employait Ă rester dans les termes du programme tracĂ© par la main fatale de l'Espagnol. Bien plus! au milieu des plus enivrantes dĂ©lices, elle n'abusa pas du pouvoir illimitĂ© que prĂÂȘtent aux femmes aimĂ©es les dĂ©sirs renaissants d'un amant pour faire Ă Lucien une interrogation sur Herrera, qui, d'ailleurs, l'Ă©pouvantait toujours elle n'osait pas penser Ă lui. Les savants bienfaits de ce personnage inexplicable, Ă qui certainement Esther devait et sa grĂÂące de pensionnaire, et ses façons de femme comme il faut, et sa rĂ©gĂ©nĂ©ration, semblaient Ă la pauvre fille ĂÂȘtre des avances de l'enfer. - Je paierai tout cela quelque jour, se disait-elle avec effroi. Pendant toutes les belles nuits, elle sortait en voiture de louage. Elle allait, avec une cĂ©lĂ©ritĂ©, sans doute imposĂ©e par l'abbĂ©, dans un de ces charmants bois qui sont autour de Paris, Ă Boulogne, Vincennes, Romainville ou Ville-d'Avray, souvent avec Lucien, quelquefois seule avec Europe. Elle s'y promenait sans avoir peur, car elle Ă©tait accompagnĂ©e, quand elle se trouvait sans Lucien, par un grand chasseur vĂÂȘtu comme les chasseurs les plus Ă©lĂ©gants, armĂ© d'un vrai couteau, et dont la physionomie autant que la sĂšche musculature annonçaient un terrible athlĂšte. Cet autre gardien Ă©tait pourvu, selon la mode anglaise, d'une canne, appelĂ©e bĂÂąton de longueur, que connaissent les bĂÂątonistes, et avec laquelle ils peuvent dĂ©fier plusieurs assaillants. En conformitĂ© d'un ordre donnĂ© par l'abbĂ©, jamais Esther n'avait dit un mot Ă ce chasseur. Europe, quand madame voulait revenir, jetait un cri; le chasseur sifflait le cocher, qui se trouvait toujours Ă une distance convenable. Lorsque Lucien se promenait avec Esther, Europe et le chasseur restaient cent pas d'eux, comme deux de ces pages infernaux dont parlent les Mille et une Nuits, et qu'un enchanteur donne Ă ses protĂ©gĂ©s. Les Parisiens, et surtout les Parisiennes, ignorent les charmes d'une promenade au milieu des bois par une belle nuit. Le silence, les effets de lune, la solitude ont l'action calmante des bains. Ordinairement Esther partait Ă dix heures, se promenait de minuit Ă une heure, et rentrait Ă deux heures et demie. Il ne faisait jamais jour chez elle avant onze heures. Elle se baignait, procĂ©dait Ă cette toilette minutieuse, ignorĂ©e de la plupart des femmes de Paris, car elle veut trop de temps, et ne se pratique guĂšre que chez les courtisanes, les lorettes ou les grandes dames qui toutes ont leur journĂ©e Ă elles. Elle n'Ă©tait prĂÂȘte que quand Lucien venait, et s'offrait toujours Ă ses regards comme une fleur nouvellement Ă©close. Elle n'avait de souci que du bonheur de son poĂšte; elle Ă©tait Ă lui comme une chose Ă lui, c'est-Ă -dire qu'elle lui laissait la plus entiĂšre libertĂ©. Jamais elle ne jetait un regard au-delĂ de la sphĂšre oĂÂč elle rayonnait; l'abbĂ© le lui avait bien recommandĂ©, car il entrait dans les plans de ce profond politique que Lucien eĂ»t des bonnes fortunes. Le bonheur n'a pas d'histoire, et les conteurs de tous les pays l'ont si bien compris que cette phrase Ils furent heureux! termine toutes les aventures d'amour. Aussi ne peut-on qu'expliquer les moyens de ce bonheur vraiment fantastique au milieu de Paris. Ce fut le bonheur sous sa plus belle forme, un poĂšme, une symphonie de quatre ans! Toutes les femmes diront "C'est beaucoup!" Ni Esther ni Lucien n'avaient dit "C'est trop!" Enfin, la formule Ils furent heureux, fut pour eux encore plus explicite que dans les contes de fĂ©es, car ils n'eurent pas d'enfants. Ainsi, Lucien pouvait coqueter dans le monde, s'abandonner Ă ses caprices de poĂšte et, disons le mot, aux nĂ©cessitĂ©s de sa position. Il rendit, pendant le temps oĂÂč il faisait lentement son chemin, des services secrets Ă quelques hommes politiques en coopĂ©rant Ă leurs travaux. Il fut en ceci d'une grande discrĂ©tion. Il cultiva beaucoup la sociĂ©tĂ© de madame de SĂ©risy, avec laquelle il Ă©tait, au dire des salons, du dernier bien. Madame de SĂ©risy avait enlevĂ© Lucien Ă la duchesse de Maufrigneuse, qui, dit-on, n'y tenait plus, un de ces mots par lesquels les femmes se vengent d'un bonheur enviĂ©. Lucien Ă©tait, pour ainsi dire, dans le giron de la Grande-AumĂÂŽnerie, et dans l'intimitĂ© de quelques femmes amies de l'archevĂÂȘque de Paris. Modeste et discret, il attendait avec patience. Aussi le mot de Marsay, qui s'Ă©tait alors mariĂ© et qui faisait mener Ă sa femme la vie que menait Esther, contenait-il plus qu'une observation. Mais les dangers sous-marins de la position de Lucien s'expliqueront assez dans le courant de cette histoire. Comment un Loup-cervier rencontra le rat, et ce qui en advint Dans ces circonstances, par une belle nuit du mois d'aoĂ»t, le baron de Nucingen revenait Ă Paris de la terre d'un banquier Ă©tranger Ă©tabli en France, et chez lequel il avait dĂnĂ©. Cette terre est Ă huit lieues de Paris, en pleine Brie. Or, comme le cocher du baron s'Ă©tait vantĂ© d'y mener son maĂtre et de le ramener avec ses chevaux, ce cocher prit la libertĂ© d'aller lentement quand la nuit fut venue. En entrant dans le bois de Vincennes, voici la situation des bĂÂȘtes, des gens et du maĂtre. LittĂ©ralement abreuvĂ© Ă l'office de l'illustre autocrate du Change, le cocher, complĂštement ivre, dormait, tout en tenant les guides, Ă faire illusion aux passants. Le valet, assis derriĂšre, ronflait comme une toupie d'Allemagne, pays des petites figures en bois sculptĂ©, des grands Reinganum et des toupies. Le baron voulut penser; mais, dĂšs le pont de Gournay, la douce somnolence de la digestion lui avait fermĂ© les yeux. A la mollesse des guides, les chevaux comprirent l'Ă©tat du cocher; ils entendirent la basse continue du valet en vigie Ă l'arriĂšre, ils se virent les maĂtres, et profitĂšrent de ce petit quart d'heure de libertĂ© pour marcher Ă leur fantaisie. En esclaves intelligents, ils offrirent aux voleurs l'occasion de dĂ©valiser l'un des plus riches capitalistes de France, le plus profondĂ©ment habile de ceux qu'on a fini par nommer assez Ă©nergiquement des Loups-cerviers. Enfin, devenus les maĂtres et attirĂ©s par cette curiositĂ© que tout le monde a pu remarquer chez les animaux domestiques, ils s'arrĂÂȘtĂšrent, dans un rond-point quelconque, devant d'autres chevaux Ă qui sans doute ils dirent en langue de cheval "A qui ĂÂȘtes-vous? Que faites-vous? Etes-vous heureux?" Quand la calĂšche ne roula plus, le baron assoupi s'Ă©veilla. Il crut d'abord n'avoir pas quittĂ© le parc de son confrĂšre; puis il fut surpris par une vision cĂ©leste qui le trouva sans son arme habituelle, le calcul. Il faisait un clair de lune si magnifique qu'on aurait pu tout lire, mĂÂȘme un journal du soir. Par le silence des bois, et, Ă cette lueur pure, le baron vit une femme seule qui, tout en montant dans une voiture de louage, regarda le singulier spectacle de cette calĂšche endormie. A la vue de cet ange, le baron de Nucingen fut comme illuminĂ© par une lumiĂšre intĂ©rieure. En se voyant admirĂ©e, la jeune femme abaissa son voile avec un geste d'effroi. Un chasseur jeta un cri rauque dont la signification fut bien comprise par le cocher, car la voiture fila comme une flĂšche. Le vieux banquier ressentit une Ă©motion terrible le sang qui lui revenait des pieds charriait du feu Ă sa tĂÂȘte, sa tĂÂȘte renvoyait des flammes au coeur; la gorge se serra. Le malheureux craignit une indigestion, et, malgrĂ© cette apprĂ©hension capitale, il se dressa sur ses pieds. - Hau crante callot! fichi pĂ©date ki tord! Cria-t-il. Sante frante si di haddrappe cedde foidire. A ces mots, cent francs, le cocher se rĂ©veilla, le valet de l'arriĂšre les entendit sans doute dans son sommeil. Le baron rĂ©pĂ©ta l'ordre, le cocher mit les chevaux au grand galop, et rĂ©ussit Ă rattraper, Ă la barriĂšre du TrĂÂŽne, une voiture Ă peu prĂšs semblable Ă celle oĂÂč Nucingen avait vu la divine inconnue, mais oĂÂč se prĂ©lassait le premier commis de quelque riche magasin, avec une femme comme il faut de la rue Vivienne. Cette mĂ©prise consterna le baron. - Zi chaffais ĂÂąmnĂ© Chorche prononcez George, au lier te doi, crosse pette, ile aurede pien si droufer cedde phĂÂąmme, dit-il au domestique pendant que les commis visitaient la voiture. - Eh! monsieur le baron, le diable Ă©tait, je crois, derriĂšre, sous forme d'heiduque, et il m'a substituĂ© cette voiture Ă la sienne. - Le tiapie n'egssisde boinde, dit le baron. Le baron de Nucingen avouait alors soixante ans, les femmes lui Ă©taient devenues parfaitement indiffĂ©rentes, et, Ă plus forte raison, la sienne. Il se vantait de n'avoir jamais connu l'amour qui fait faire des folies. Il regardait comme un bonheur d'en avoir fini avec les femmes, desquelles il disait, sans se gĂÂȘner, que la plus angĂ©lique ne valait pas ce qu'elle coĂ»tait, mĂÂȘme quand elle se donnait gratis. Il passait pour ĂÂȘtre si complĂštement blasĂ©, qu'il n'achetait plus, Ă raison d'une couple de mille francs par mois, le plaisir de se faire tromper. De sa loge Ă l'OpĂ©ra, ses yeux froids plongeaient tranquillement sur le Corps de Ballet. Pas une oeillade ne partait pour ce capitaliste de ce redoutable essaim de vieilles jeunes filles et de jeunes vieilles femmes, l'Ă©lite des plaisirs parisiens. Amour naturel, amour postiche et d'amour-propre, amour de biensĂ©ance et de vanitĂ©; amour-goĂ»t, amour dĂ©cent et conjugal, amour excentrique, le baron avait achetĂ© tout, avait connu tout, exceptĂ© le vĂ©ritable amour. Cet amour venait de fondre sur lui comme un aigle sur sa proie, comme il fondit sur Gentz, le confident de le prince de Metternich. On sait toutes les sottises que ce vieux diplomate fit pour Fanny Elssler dont les rĂ©pĂ©titions l'occupaient beaucoup plus que les intĂ©rĂÂȘts europĂ©ens. La femme qui venait de bouleverser cette caisse doublĂ©e de fer, appelĂ©e Nucingen, lui Ă©tait apparue comme une de ces femmes uniques dans une gĂ©nĂ©ration. Il n'est pas sĂ»r que la maĂtresse du Titien, que la Mona Lisa de LĂ©onard de Vinci, que la Fornarina de RaphaĂl fussent aussi belles que la sublime Esther, en qui l'oeil le plus exercĂ© du Parisien le plus observateur n'aurait pu reconnaĂtre le moindre vestige qui rappelĂÂąt la courtisane. Aussi le baron fut-il surtout Ă©tourdi par cet air de femme noble et grande qu'Esther, aimĂ©e, environnĂ©e de luxe, d'Ă©lĂ©gance et d'amour, avait au plus haut degrĂ©. L'amour heureux est la Sainte-Ampoule des femmes, elles deviennent toutes alors fiĂšres comme des impĂ©ratrices. Le baron alla, pendant huit nuits de suite, au bois de Vincennes, puis au bois de Boulogne, puis dans les bois de Ville-d'Avray, puis dans le bois de Meudon, enfin dans tous les environs de Paris, sans pouvoir rencontrer Esther. Cette sublime figure juive qu'il disait ĂÂȘtre eine viguire te la Piple, Ă©tait toujours devant ses yeux. A la fin de la quinzaine, il perdit l'appĂ©tit. Delphine de Nucingen et sa fille Augusta, que la baronne commençait Ă montrer, ne s'aperçurent pas tout d'abord du changement qui se fit chez le baron. La mĂšre et la fille ne voyaient monsieur de Nucingen que le matin au dĂ©jeuner et le soir au dĂner, quand ils dĂnaient tous Ă la maison, ce qui n'arrivait qu'aux jours oĂÂč Delphine avait du monde. Mais, au bout de deux mois, pris par une fiĂšvre d'impatience et en proie Ă un Ă©tat semblable Ă celui que donne la nostalgie, le baron, surpris de l'impuissance du million, maigrit et parut si profondĂ©ment atteint, que Delphine espĂ©ra secrĂštement devenir veuve. Elle se mit Ă plaindre assez hypocritement son mari, et fit rentrer sa fille Ă l'intĂ©rieur. Elle assomma son mari de questions; il rĂ©pondit comme rĂ©pondent les Anglais attaquĂ©s du spleen, il ne rĂ©pondit presque pas. Delphine de Nucingen donnait un grand dĂner tous les dimanches. Elle avait pris ce jour-lĂ pour recevoir, aprĂšs avoir remarquĂ© que, dans le grand monde, personne n'allait au spectacle, et que cette journĂ©e Ă©tait assez gĂ©nĂ©ralement sans emploi. L'invasion des classes marchandes ou bourgeoises rend le dimanche presque aussi sot Ă Paris qu'il est ennuyeux Ă Londres. La baronne invita donc l'illustre Desplein Ă dĂner pour pouvoir faire une consultation malgrĂ© le malade, car Nucingen disait se porter Ă merveille. Keller, Rastignac, de Marsay, du Tillet, tous les amis de la maison avaient fait comprendre Ă la baronne qu'un homme comme Nucingen ne devait pas mourir Ă l'improviste; ses immenses affaires exigeaient des prĂ©cautions, il fallait savoir absolument Ă quoi s'en tenir. Ces messieurs furent priĂ©s Ă ce dĂner, ainsi que le comte de Gondreville, beau-pĂšre de François Keller, le chevalier d'Espard, des Lupeaulx, le docteur Bianchon, celui de ses Ă©lĂšves que Desplein aimait le plus, Beaudenord et sa femme, le comte et la comtesse de Montcornet, Blondet, mademoiselle des Touches et Conti; puis enfin Lucien de RubemprĂ© pour qui Rastignac avait, depuis cinq ans, conçu la plus vive amitiĂ©; mais par ordre, comme on dit en style d'affiches. Le dĂ©sespoir d'une caisse - Nous ne nous dĂ©barrasserons pas facilement de celui-lĂ , dit Blondet Ă Rastignac, quand il vit entrer dans le salon Lucien plus beau que jamais et mis d'une façon ravissante. - Il vaut mieux s'en faire un ami, car il est redoutable, dit Rastignac. - Lui? dit de Marsay. Je ne reconnais de redoutables que les gens dont la position est claire, et la sienne est plus inattaquĂ©e qu'inattaquable! Voyons! de quoi vit-il? D'oĂÂč lui vient sa fortune? il a, j'en suis sĂ»r, une soixantaine de mille francs de dettes. - Il a trouvĂ© dans un prĂÂȘtre espagnol un protecteur fort riche, et qui lui veut du bien, rĂ©pondit Rastignac. - Il Ă©pouse mademoiselle de Grandlieu l'aĂnĂ©e, dit mademoiselle des Touches. - Oui, mais, dit le chevalier d'Espard, on lui demande d'acheter une terre d'un revenu de trente mille francs pour assurer la fortune qu'il doit reconnaĂtre Ă sa future, et il lui faut un million, ce qui ne se trouve sous le pied d'aucun Espagnol. - C'est cher, Bicarbonatede soude â lorsquâil est associĂ© au vinaigre, le bicarbonate de soude produit une rĂ©action pĂ©tillante qui peut dĂ©composer presque tout, y compris le calcaire. A voir aussi : Comment recharger sa 4G ? Coke â contient de lâacide phosphorique qui peut non seulement Ă©liminer la rouille, mais aussi le calcaire.Dans cet article de PlanĂšteAnimal nous allons vous parler d'un sujet trĂšs important pour toutes les personnes qui ont Ă leur charge un magnifique petit chat ; la stĂ©rilisation du chat. Castrer un chat est une opĂ©ration commune effectuĂ©e dans n'importe quelle clinique vĂ©tĂ©rinaire, mais elle suscite toujours autant de questions et de doutes, c'est pourquoi nous allons prendre le temps de vous en parler autre cĂŽtĂ©, certaines personnes montrent toujours une certaine rĂ©ticence Ă faire stĂ©riliser leur chat, c'est pourquoi nous allons Ă©galement prendre le temps de vous parler des avantages et inconvĂ©nients de la stĂ©rilisation du chat. Continuez la lecture de notre nouvel article StĂ©rilisation du chat - Prix, Ăąge et convalescence et dĂ©couvrez tout ce qu'il y a Ă savoir Ă propos de la stĂ©rilisation des chats. Index La stĂ©rilisation du chat mĂąle DiffĂ©rences entre stĂ©rilisation et castration du chat La stĂ©rilisation des chattes StĂ©rilisation d'un chat postopĂ©ratoire Complications de la stĂ©rilisation du chat Castrer un chat consĂ©quences, avantages et inconvĂ©nients Prix de la stĂ©rilisation d'un chat Est-ce qu'on peut stĂ©riliser une chatte en chaleur ? La stĂ©rilisation du chat mĂąle La stĂ©rilisation d'un chat est une opĂ©ration simple et rapide qui consiste en l'extirpation des testicules. Elle est rĂ©alisĂ©e grĂące Ă une petite incision entre les testicules, bien sĂ»r, le chat est anesthĂ©siĂ©. En outre, le suivi postopĂ©ratoire n'est presque pas Ă l'Ăąge idĂ©al pour stĂ©riliser un chat mĂąle, sachez que cette opĂ©ration est rĂ©alisable alors que le chat n'est qu'un chaton et, de fait, il est conseillĂ© qu'elle soit rĂ©alisĂ©e le plus tĂŽt possible, aux alentours des 5 mois, car c'est la seule maniĂšre d'Ă©viter qu'il ne montre les symptĂŽmes typiques de maturitĂ© sexuelle aprĂšs avoir dĂ©tectĂ© des chattes en principal objectif de cette opĂ©ration est d'empĂȘcher que l'animal ne puisse avoir de descendance et qu'il ne dĂ©veloppe pas ses comportements reproductifs. Nous verrons plus tard quels sont les avantages et les inconvĂ©nients de la stĂ©rilisation du chat. DiffĂ©rences entre stĂ©rilisation et castration du chat La stĂ©rilisation du chat, au sens strict du terme, fait rĂ©fĂ©rence Ă une intervention qui empĂȘche l'animal de se reproduire. Ainsi, est inclue dans cette dĂ©finition le type de chirurgie dont nous vous avons parlĂ© dans l'encadrĂ© prĂ©cĂ©dent qui, plus concrĂštement, devrait ĂȘtre appelĂ© castration, car, pour faire rĂ©fĂ©rence Ă lâextirpation des testicules ou de l'utĂ©rus et des ovaires, c'est le terme castration qui doit ĂȘtre stĂ©rilisation d'un chat pourrait ĂȘtre rĂ©alisĂ©e avec une vasectomie, qui consiste Ă couper les conduits qui unissent les testicules avec le pĂ©nis, dĂ©plaçant et empĂȘchant le sperme de sortir. De cette maniĂšre, la reproduction et empĂȘchĂ©e, le chat conserve ses appareils reproducteurs, mais il ne s'agit pas d'une opĂ©ration habituellement rĂ©alisĂ©e... Il faut prendre en compte le fait qu'une vasectomie ou, pour les chattes, une ligature des trompes, entravent la capacitĂ© de reproduction mais elles n'Ă©vitent pas les chaleurs ni les comportements et effets secondaires associĂ©s aux chaleurs. La stĂ©rilisation des chattes La stĂ©rilisation des chats est quelque chose de plus compliquĂ©e quand il s'agit d'une chatte car, dans ce cas, les organes qu'il faut extirper se trouvent Ă l'intĂ©rieur du corps, c'est pourquoi le vĂ©tĂ©rinaire sera obligĂ© d'ouvrir la cavitĂ© abdominal. Comme c'est le cas pour les mĂąles, l'intervention peut ĂȘtre rĂ©alisĂ©e dans les premiers mois de vie, avant les premiĂšres chaleurs, le principal objectif de cette opĂ©ration sera d'Ă©viter la reproduction ainsi que les on parle de stĂ©riliser une chatte, l'intervention qui se rĂ©alise de maniĂšre plus frĂ©quente consiste en l'extraction de l'utĂ©rus et des ovaires par le biais d'une petite incision abdominale, bien sĂ»r, aprĂšs avoir anesthĂ©siĂ© l'animal. Parfois, pour stĂ©riliser une chatte errante, on rĂ©alise une incision latĂ©rale et ne sont sorties que les ovaires. On considĂšre que de cette maniĂšre on a rempli l'objectif d'Ă©viter le cycle reproductif et le postopĂ©ratoire prĂ©sente des risques mineurs de complications, ce qui est trĂšs important si la chatte est directement remise en libertĂ©. MalgrĂ© cela, mĂȘme avec une incision abdominale, la rĂ©cupĂ©ration n'est gĂ©nĂ©ralement pas un problĂšme. Au rĂ©veil de l'anesthĂ©sie, le chat peut retourner Ă la maison pour rĂ©cupĂ©rer, car aucune admission en clinique vĂ©tĂ©rinaire n'est nĂ©cessaire. StĂ©rilisation d'un chat postopĂ©ratoire Aussi bien pour les mĂąles que pour les femelles, la rĂ©cupĂ©ration se passe plutĂŽt sans problĂšme. GĂ©nĂ©ralement, le vĂ©tĂ©rinaire injecte des antibiotiques pour prĂ©venir le risque d'infections bactĂ©riennes et il prescrira des analgĂ©siques Ă lui donner chez vous durant les premiers jours. Ensuite, il faudra que vous gardiez un Ćil sur la cicatrice pour vous assurer qu'elle cicatrise sans problĂšme. Durant les premiĂšres heures, il est courant que la zone de l'incision soit quelque peu inflammĂ©e et rouge, aspect qui amĂ©liorera durant les jours suivants. AprĂšs une semaine, la cicatrice cicatrisera et aprĂšs 8-10 jours votre vĂ©tĂ©rinaire lui enlĂšvera les votre chat n'arrĂȘte pas de se lĂ©cher la cicatrice, il faudra que vous lui mettiez un collier Isabelin, car l'effet de leur langue rugueuse ainsi que le contact de leurs dents pourraient finir par ouvrir et infecter la plaie de votre animal. Les chats ont tendance Ă haĂŻr ces colliers, mais ils seront nĂ©cessaires s'ils n'arrĂȘtent pas de se que pour l'intervention le chat doit ĂȘtre Ă jeun afin d'Ă©viter des complications avec l'anesthĂ©sie, dĂšs que vous arrivez chez vous, vous pouvez lui donner Ă boire et Ă manger comme si de rien Ă©tait. Il est toutefois important que vous preniez en compte le fait que les besoins nutritionnels de votre chat vont changer durant sa pĂ©riode de convalescence et qu'il faudra donc que vous ajustiez son menu afin d'Ă©viter qu'il ne prenne trop de poids. Complications de la stĂ©rilisation du chat Bien que ce ne soit pas la norme, Ă continuation nous allons vous prĂ©senter les complications de la stĂ©rilisation du chat, Ă©tant donnĂ© que l'opĂ©ration des femelles est plus difficile, ce sont bien souvent ces derniĂšres qui prĂ©sentent le plus de complication Les mĂ©dicaments anesthĂ©siques peuvent, parfois, avoir des effets chez les femelles, la blessure pourrait s'ouvrir et s'infecter, ce qui peut ralentir la rĂ©cupĂ©ration et ce qui peut vouloir dire anesthĂ©siĂ© de nouveau l'animal, l'ouvrir de nouveau, le recoudre, le traiter, etc...Il est aussi possible que, chez les femelles, se produise une hĂ©morragie interne qui devra ĂȘtre traitĂ©e comme une urgence se forme un sĂ©rome sur la zone de cicatrisation ou se produit une certaine rĂ©action dans la zone de l'incision Ă cause d'une rĂ©action Ă un produit utilisĂ© durant la dĂ©sinfection. Castrer un chat consĂ©quences, avantages et inconvĂ©nients Dans cet encadrĂ© nous allons voir les avantages et les inconvĂ©nients de la stĂ©rilisation des chats, indĂ©pendamment du fait qu'il s'agisse d'un mĂąle ou d'une femelle. Mais avant toute chose, il faut que vous gardiez Ă l'esprit que, en dĂ©pit du fait que tout le monde puisse dire que les chats sont trĂšs indĂ©pendants, ce sont des animaux domestiques et depuis cette perspective que nous allons nous prononcer dans cet les avantages de la stĂ©rilisation on retrouve Sont empĂȘchĂ©es et prĂ©venues de trĂšs nombreuses des symptĂŽmes des chaleurs, comme le marquage, l'agressivitĂ© ou l'anxiĂ©tĂ©, ce qui favorise la cohabitation avec les ĂȘtres humains, mais qui, Ă©galement, diminue le stress et augmente le bien-ĂȘtre de la santĂ© des chats en rĂ©duisant les risques de combats et de diminue la probabilitĂ© de souffrir de maladies associĂ©es aux hormones de la reproduction, comme le pyomĂštre des chattes ou les tumeurs de inconvĂ©nients on peut surligner les suivants L'animal court les risques propres aux interventions chirurgicales et des besoins Ă©nergĂ©tiques diminuent, il faudra donc que vous fassiez gaffe Ă leur alimentation afin d'Ă©viter des cas d' prix de l'intervention peut finir par dissuader certaines personnes de la mener Ă la perte de la capacitĂ© reproductive de maniĂšre irrĂ©versible est une consĂ©quence de l'opĂ©ration qui, de nos jours, est considĂ©rĂ© comme un avantage, mais qui pourrait ĂȘtre considĂ©rĂ© comme un inconvĂ©nient. Prix de la stĂ©rilisation d'un chat Nous ne pouvions pas faire un article sur la stĂ©rilisation du chat sans parler du prix, car de trĂšs nombreuses personnes intĂ©ressĂ©es par l'opĂ©ration finissent par faire marche arriĂšre dĂšs qu'elles se rendent compte du coĂ»t de la stĂ©rilisation du chat. Ce qu'il y a de sĂ»r c'est qu'il rĂ©sulte absolument impossible de donner un chiffre prĂ©cis, car ce dernier variera selon plusieurs Ă©lĂ©ments Le sexe du chat, car l'intervention aura tendance Ă ĂȘtre moins coĂ»teuse pour les mĂąles, car plus oĂč se trouve la clinique, car les prix peuvent souffrir d'importantes variations selon la ville oĂč elle se trouve. Au sein d'une mĂȘme ville, le prix d'une stĂ©rilisation peut varier entre les surgit une complication la facture finale peut finir par qu'Ă priori une stĂ©rilisation, surtout d'une femelle, peut vous sembler cher, vous devez garder Ă l'esprit qu'elle est rĂ©alisĂ©e par un professionnel, parfois par plusieurs, qui a Ă©tudiĂ© durant des annĂ©es et qui s'est Ă©quipĂ© de matĂ©riel mĂ©dical trĂšs coĂ»teux. En plus, stĂ©riliser un chat est un investissement qui vous permettra d'Ă©conomiser des frais futur qui serait gĂ©nĂ©rĂ©s par un animal non stĂ©rilisĂ©, comme ; des portĂ©es non dĂ©sirĂ©es, du pyomĂštre, des tumeurs, des blessures de combat ou des accidents avec des les municipalitĂ©s ou les cliniques vĂ©tĂ©rinaires mettent en marche elles-mĂȘmes des campagnes de stĂ©rilisation dans lesquelles les castrations sont effectuĂ©es gratuitement ou Ă prix rĂ©duit. Ces campagnes sont gĂ©nĂ©ralement destinĂ©s aux chats errants, mais elles peuvent inclure des chats dont les tuteurs n'ont pas les moyens. Une autre option est d'aller adopter votre chat dans une association, qui sera dĂ©jĂ castrĂ©. Bien entendu, lors de ces adoptions, il est courant de devoir payer la micro-puce ainsi que les frais de santĂ©, car les animaux viennent gĂ©nĂ©ralement avec leur carnet de santĂ© mis Ă on vous recommande toujours de chercher des vĂ©tĂ©rinaires avec des bonnes rĂ©fĂ©rences et de comparer les prix. En plus, certaines cliniques offrent la possibilitĂ© de payer sur plusieurs mois, vous pouvez Ă©galement vous renseigner si dans votre rĂ©gion une campagne de stĂ©rilisation n'a pas Ă©tĂ© mise en place. En tant que personne responsable de la vie de votre chat, vous devez toujours calculer ce coĂ»t si vous vivez avec un fĂ©lin. Est-ce qu'on peut stĂ©riliser une chatte en chaleur ? Enfin, il est courant que les tuteurs se demandent si une stĂ©rilisation peut ĂȘtre menĂ©e quand les chattes ont leur chaleur. On recommande d'attendre Ă ce qu'elles se terminent ou, encore mieux, d'opĂ©rer avant qu'elles n'aient leurs premiĂšres chaleurs. Si tel n'est pas le cas, ce sera Ă votre vĂ©tĂ©rinaire de dĂ©cider si l'opĂ©ration est rĂ©alisable Ă ce moment, Ă©valuant les avantages et les inconvĂ©nients. StĂ©rilisation du chat [VIDĂO] Si vous souhaitez lire plus d'articles semblables Ă StĂ©rilisation du chat - Prix, Ăąge et convalescence, nous vous recommandons de consulter la section Soins basiques.
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